Gérard Filoche explique les tenants et les aboutissants de la loi Macron dans un article dans Marianne (ici, en français).
Extrait
1) Grâce à la loi du 14 juin 2013, l’employeur pouvait déjà, sur les quatre critères de choix des licenciés, retenir prioritairement le critère qu’il voulait, par exemple le critère arbitraire de la « qualité professionnelle » au détriment des critères sociaux (charges de famille, âge, handicap, ancienneté). Le projet Macron permet à l’employeur, en modifiant l’article L.1233-5 du code du travail, de moduler les critères choisis en les fixant « à un niveau inférieur à celui de l’entreprise ». En clair : pouvoir choisir de licencier qui on veut, où l’on veut. Les plus faibles socialement, les « sans-dents » seront les premiers licenciés.
2) Le projet Macron simplifie les « petits licenciements » (de 2 à 9 salariés) dans les entreprises de plus de 50 salariés : plus besoin pour la DIRECCTE de vérifier si les représentants du personnel ont été « réunis, informés et consultés » selon les dispositions légales et conventionnelles, si les obligations relatives aux mesures sociales ont été respectées, et si les mesures pour éviter les licenciements et pour faciliter le reclassement « seront effectivement mises en œuvre » (nouvel article L.1233- 53).
3) Le projet Macron simplifie les efforts de reclassement pour les grandes entreprises implantées sur plusieurs pays : elles n’auront plus l’obligation de chercher un reclassement en dehors du « territoire national » (nouvel article L.1233-4). La modification est subtile : en effet, le projet Macron n’impose plus à ces grandes entreprises de demander au salarié, dont le licenciement est envisagé, s’il accepte de recevoir des « offres de reclassement » à l’étranger. Il impose en revanche une humiliation supplémentaire au salarié à qui il revient désormais de « demander à l’employeur » de recevoir des « offres d’emploi situés hors du territoire national disponibles dans l’entreprise ou dans le groupe auquel elle appartient. » Outre l’humiliation, un décret doit préciser les modalités d’application de ce nouvel article L.1233-4-1 du code du travail : recevoir une offre de reclassement est-elle la même chose que recevoir une offre d’emploi disponible ?
4) Le projet Macron simplifie beaucoup les licenciements dans les entreprises en redressement ou en liquidation judiciaire en modifiant l’article L.1233-58. En effet, « au regard des moyens dont dispose l’entreprise », en clair au regard de son expertise en trémolos, elle pourra désormais s’exonérer de ses obligations prévues par les pourtant tout récents articles L.1233-61 à L.1233-63 : faciliter le reclassement des salariés, notamment des âgés et des fragiles. En outre, pour les entreprises qui font partie d’un groupe, il n’y aura plus d’obligation de formation, d’adaptation et de reclassement au niveau du groupe, mais seulement « dans l’entreprise ». L’employeur, l’administrateur ou le liquidateur est simplement invité à « solliciter » les entreprises du groupe pour avoir une liste de postes disponibles.
5) Le projet Macron permet le licenciement sans retour et sans indemnités des salariés pour lesquels le tribunal administratif aurait annulé la décision de validation ou d’homologation du plan de licenciement. La modification est à l'article 102 (section 6 - Amélioration du dispositif de sécurisation de l'emploi - p. 70 : modification de l'article L.1235-16 du code du travail). L’actuel article L.1235-16 prévoyait qu’en dehors du cas où le tribunal administratif annule la décision de la DIRECCTE pour « absence ou insuffisance » du plan de sauvegarde de l’emploi, l’annulation pour un autre motif entraîne soit la réintégration du salarié, soit, en cas de refus de l’employeur, le versement d’une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Désormais, selon la modification de ce tout récent article L.1235- 16, si la décision de l’administration a été cassée pour « insuffisance de motivation », la loi prévoit benoîtement que l’administration « prend une décision suffisamment motivée » (sic). Elle dispose également que le jugement du tribunal administratif ne modifie pas la « validité du licenciement » et donc « ne donne pas lieu au versement d’une indemnité à la charge de l’employeur ». C’est Ubu roi : votre licenciement est cassé, mais vous n’avez droit à rien : vous êtes ni réintégré, ni indemnisé !