19 déc. 2017

Argentine: une contre révolution en ébulition

Les syndicats et les travailleurs sont mobilisés contre les réformes menées par le présidents Macri en Argentine.

Le 18 décembre, des milliers de personnes ont manifesté contre la réforme des pensions envisagées par Macri (voir la vidéo muette ici). Il s'agit de modifier le calcul de ces pensions pour les rogner et pour généraliser le transfert de valeur du travail retraité au capital.

L'hostilité populaire à ses projets se heurte à une répression féroce (on parle de 50 blessés lors des dernières manifestations.

Par ailleurs, d'autres réformes macriennes font feu de tout bois des salaires: qu'il s'agisse de

- la reforma laboral relative au droit du travail
source ici

Le gouvernement argentin prépare une réforme du droit du travail qui vise à rendre le pays plus compétitif et à servir de catalyseur aux investisseurs, mais les changements prévus ont alarmé les syndicats qui soulignent la précarisation que ces réformes induiraient.

Le projet consiste en  
une réduction des indemnités de licenciement,
la création d'un fonds régulièrement abondé pour faire face au paiement de ces indemnités,
De plus, la suppression du principe d'irréversibilité des droits du travailleur ou l'établissement d'une "banque d'heures" qui permette de compenser les heures supplémentaires au lieu de les ajouter au salaire.
[En outre, la réforme prévoit] l'élimination de la responsabilité des entreprises envers leurs sous-traitants,
 la limitation du délai de recours juridiques au tribunal du travail
ou l'amnistie d'un an pour la régularisation des contrats en noir.

- la reforma tributaria
Il s'agit de 
- baisser le taux d'impôt des sociétés (toujours pour attirer les sacro-saints investisseurs qui nous prêtent l'argent qu'ils nous ont piqué, donc)
- exempter les entreprises de TVA
- l'impôt de vente immobilière sera remplacé par une TVA à 15%
- doubler les seuils à partir desquels les fraudeurs du fisc sont poursuivis

- la reforma previsional :
modifie le calcul des pensions. Les retraites ne sont plus ajustées à l'évolution des salaires mais à celle de l'inflation - ce qui constitue une perte salariale importante. Il s'agit pour le gouvernement de faire des économies - sur le dos des retraités, donc.

14 déc. 2017

Guerre au salaire: photo finish

Bastamag fait l'inventaire des mesures anti-salariales de cette dernière décennie en Europe. Inventaire incomplet mais déjà vertigineux.

Extrait de l'article (en ligne ici, très intéressant, pour aller plus loin, voir ce site - en anglais, dispo aussi en français)

L’Allemagne, la Grèce, l’Italie, la Roumanie, ou encore l’Espagne... Et maintenant la France. Ces dix dernières années, la plupart des pays de l’Union européenne ont subi de profondes réformes du droit du travail. Officiellement, au nom de la lutte contre le chômage. Mais les études réalisées depuis, y compris par les institutions les plus libérales, sont unanimes : leur impact sur l’emploi a été minime. En revanche, ces politiques se sont traduites par une explosion de la précarité et une baisse des rémunérations pour les salariés. Basta !, en collaboration avec les journalistes d’Investigate Europe, vous propose une enquête grand format sur le hold-up des « réformes structurelles ».

En Allemagne:

Pourtant, le mythe du miracle allemand de l’emploi est trompeur. Certes, le nombre de personnes actives a augmenté de plus de 10 % entre 2003 et fin 2016, passant de 39 à 43 millions. Mais ce résultat n’a été atteint que par le remplacement d’emplois à temps plein par des temps partiels et des mini jobs. En réalité, le nombre d’heures travaillées n’a pas du tout augmenté jusqu’en 2010 ; le travail a seulement été réparti entre davantage de personnes. En outre, depuis 2011, le nombre d’heures travaillées a augmenté beaucoup plus lentement que l’emploi, et reste en deçà du niveau du début des années 90.
Résultat : en 2016, 4,8 millions de personnes en Allemagne vivaient exclusivement de « mini jobs ». Et 1,5 million de personnes supplémentaires occupent des emplois à temps partiel imposé. Sans oublier environ un million d’employés temporaires ou intérimaires, et plus de deux millions de personnes auto-employées, dont la plupart n’a pas assez de travail.
En Pologne:

Mais c’est peut-être en Pologne que la sécurité de l’emploi a été la plus durement frappée. Pour rendre le pays encore plus attractif vis-à-vis des investisseurs internationaux après son entrée dans l’UE, le gouvernement de Varsovie a apporté en 2004 sa propre innovation dans le secteur des contrats précaires : tous les salariés seraient désormais employés à durée déterminée, et pourraient être renvoyés à tout moment sans avoir à fournir de justification particulière.
En parallèle, le gouvernement polonais a favorisé une expansion massive des contrats limités à des projets particuliers, en dehors du droit du travail. Les personnes concernées se voient refuser toute assurance maladie et toute protection sociale. Elles ne bénéficient pas non plus du salaire minimum. Des multinationales aux PME, de nombreux employeurs se sont rués sur l’aubaine. De sorte qu’aujourd’hui, plus d’un tiers des actifs polonais travaille sans sécurité ou pour des salaires de misère, davantage que dans tout autre pays de l’Union européenne. La législation polonaise sur le travail constitue un « retour au 19ème siècle », s’indigne Adam Rogalezski, secrétaire pour l’Europe de la confédération syndicale polonaise OPZZ.

La Grèce:

C’est ainsi qu’en octobre 2011, par exemple, Pierre Deleplanque, patron du producteur de ciment Heracles, lui-même filiale du leader mondial des matériaux de construction Lafarge, a pu transmettre directement ses exigences au chef de la délégation du FMI à Athènes, après un rendez-vous privé avec les fonctionnaires de la troïka. Le journal grec Efimerida ton Sinakton, partenaire d’Investigate Europe, a révélé la teneur de ce document confientiel. Le cadre de Lafarge y demande, outre « la suspension des accords salariaux de branche », l’abolition des accords salariaux en vigueur dans les grandes entreprises « afin de favoriser les accords individuels » et supprimer ainsi toute protection collective pour les employés (sur ce sujet, lire notre article ici).
Tous ces vœux ont été exaucés. Les contrats associés aux prêts d’urgence à la Grèce, intitulés « protocoles d’accord », stipulaient que désormais les salariés pourraient être licenciés en ne recevant qu’une compensation minimale. Les accords salariaux nationaux ou de branche qui avaient été la norme jusqu’alors furent abolis. Aujourd’hui, les négociations ont presque systématiquement lieu à l’échelle de chaque entreprise, le plus souvent directement avec les salariés, sans passer par les syndicats.
De nouvelles lois « ont donné aux employeurs le pouvoir de prendre des décisions unilatérales », comme « la conversion de contrats traditionnels à temps plein en contrats précaires », ont conclu des chercheurs de l’Université de Manchester dans une étude ultérieure, financée – ironiquement – par la Commission européenne. Selon cette étude, d’innombrables contrats permanents ont été transformés depuis 2011 en contrats à temps partiel et à durée déterminée, et dans quatre cas sur cinq sans l’accord des personnes affectées. Le projet visait à rendre l’emploi moins sécurisé, et les salaires ont chuté de 23 % en moyenne.
La Roumanie:

40 % des employés roumains au salaire minimum : 318 euros par mois

Résultat : un droit du travail permettant aux entreprises de passer leurs employés à temps plein sous des contrats à temps partiel, de proposer des nouveaux contrats à durée déterminée, et de recourir sans aucune restriction aux intérimaires. Dans le même temps, à l’initiative de la Commission européenne, le gouvernement roumain a supprimé tout dialogue social à l’échelle nationale, laissant la négociation des nouveaux contrats à la discrétion des employeurs.
Le système de négociation collective qui prévalait jusqu’alors, s’appliquant à 90% des salariés, « a été pratiquement anéanti », déplore Petru Dandea, secrétaire de la confédération syndicale Cartel Alfa. Les représentants élus du personnel ont également perdu toute protection contre le licenciement, tout comme les employés qui osaient faire grève. En conséquence de ces réformes draconiennes, les salaires ont subi une telle dégringolade que désormais 40% des salariés roumains ne touchent que le minimum légal (318 euros mensuels). « Nous sommes payés comme si nous étions un pays de travailleurs non qualifiés », résume le syndicaliste roumain.
La Commission européenne en a pris bonne note. Lorsqu’un gouvernement ultérieur à Bucarest a annoncé en 2012 qu’il souhaitait encourager à nouveau les accords salariaux nationaux contraignants, les émissaires du commissaire Olli Rehn, avec ceux du FMI, ont mis leur veto. « Nous pressons fortement les autorités de s’assurer que les accords collectifs nationaux ne contiennent pas d’éléments relatifs aux salaires et ne remettent en cause les progrès obtenus avec le nouveau code du travail adopté en mai 2011 », ont-ils écrits au gouvernement. En plein accord avec la Chambre du Commerce des États-Unis, qui a elle aussi signé une lettre de protestation. Le gouvernement a dû faire machine arrière.
 En Belgique et en France, la casse du droit social et la guerre au salaire sont en cours (baisse des retraites, transformation des cotisations sociales en impôt, diminution des droits salariaux au chômage, flexibilisation du droit du travail, généralisation de la négociation au niveau de l'entreprise, etc.).

Tout cela sans absolument aucun résultat sur l'emploi, donc.

Ces quelques traits de l'Europe des actionnaires et des grands patrons donnent une idée des causes de l'impopularité de cette entité politique auprès de ses populations. Et si on essayait l'Europe salariale, l'Europe du droit social, l'Europe de la socialisation des outils de production, l'Europe des coopératives, l'Europe des idéaux politiques, de l'ambition sociale et économique?

31 oct. 2017

Des bonbons sanglants

Reporterre nous fait part d'un reportage de la télévision publique allemande ARD. Dans les bonbons Haribo, on retrouve une certaine amertume, celle de l'esclavagisme en emploi et celle de l'exploitation des animaux.

Extrait de l'article disponible en ligne ici
« Haribo, c’est beau la vie »… enfin cela dépend pour qui. Le slogan du célèbre confiseur allemand ne vaut pas forcément pour ceux qui fabriquent les ingrédients des Dragibus, fraises Tagada, Ours d’or et autres Chamallows. Un documentaire de la chaîne de télévision publique allemande ARD, Der Haribo-Check, révèle que Haribo s’approvisionne auprès d’entreprises peu scrupuleuses en matière de droits de l’homme et de bien-être animal.
Les journalistes lèvent notamment le voile sur les conditions « épouvantables » dans lesquelles travaillent les ouvriers des fabriques de cire de carnauba, un ingrédient essentiel qui donne aux bonbons leur aspect lisse et brillant.

Sans vêtements de protection malgré la poussière, sans sanitaires ni eau potable à disposition, les employés de ces immenses fermes du nord-est du Brésil sont contraints par leurs employeurs à dormir sur leur lieu de travail, à même le sol ou dans des camions. Souvent rémunérés au noir, ils ne perçoivent pas de revenu fixe mais uniquement proportionnel au travail abattu. Les journalistes de l’ARD ont même rencontré sur place des mineurs âgés d’une quinzaine d’années, assignés au battage des feuilles de palmier dont est extraite la cire de carnauba.

« Nous n’avons pas connaissance d’entorses à nos règles » 

Ces abus sont loin d’être secrets. Le ministère du Travail brésilien les qualifie officiellement « d’esclavage » et a engagé une lutte contre les propriétaires de ces exploitations, dans l’une des régions les plus pauvres du pays. Pourtant, Haribo a assuré aux journalistes de l’ARD découvrir les conditions de travail de ses fournisseurs. « Nous n’avons pas connaissance d’entorses à nos règles, a répondu son service de communication. Nous vous remercions de ces informations et allons engager un suivi proactif de ce thème auprès de nos fournisseurs. »

La cire de carnauba n’est pas le seul ingrédient qui pose problème. La gélatine de porc, qui donne une texture de gomme aux confiseries Haribo, est elle aussi produite dans des conditions « effrayantes », cette fois pour les animaux. Les auteurs du documentaire ont remonté la chaîne d’approvisionnement jusqu’à des élevages porcins de la coopérative Westfleisch, dans le nord-ouest de l’Allemagne. Des militants de l’association de protection animale Tierretter ont réussi à s’introduire dans certaines d’entre elles. Les images qu’ils y ont tournées sont accablantes et témoigneraient même d’infractions à la loi.

« Les animaux vivent en permanence dans leurs propres excréments », raconte Christian Adam, l’un des militants. Le taux d’ammoniac dans l’air est si élevé qu’il provoque des inflammations aux yeux de nombreux porcs. Les animaux malades ou mourants sont laissés dans les boxes avec les animaux sains. L’accès à l’eau a parfois même été coupé.

24 oct. 2017

Le mirage allemand

Le Monde Diplomatique met en libre accès un article sur le "modèle" allemand ici. Le moins qu'on puisse dire, c'est que ce "modèle" n'a pas convaincu Olivier Cyran.

Nous non plus d'ailleurs: la guerre au salaire et la criminalisation des chômeurs en passe de franchir le Rhin n'ont jamais donné que misères et déqualification de masse.

Cette guerre outrancière contre nos salaires et nous entend nous ramener à un état de besoin qui rétablisse l'esclavage de facto. À moins que nous, producteurs et productrices parvenions à nous constituer en sujet alternatif et à établir la puissance de nos propres pratiques de l'économie.

Extrait

Hartz IV : ce marquage social découle du processus de dérégulation du marché du travail, dit Agenda 2010, mis en place entre 2003 et 2005 par la coalition Parti social-démocrate (SPD) - Verts du chancelier Gerhard Schröder. Baptisé du nom de son concepteur, M. Peter Hartz, ancien directeur du personnel de Volkswagen, le quatrième et dernier volet de ces réformes fusionne les aides sociales et les indemnités des chômeurs de longue durée (sans emploi depuis plus d’un an) en une allocation forfaitaire unique, versée par le Jobcenter. Le montant étriqué de cette enveloppe — 409 euros par mois en 2017 pour une personne seule — est censé motiver l’allocataire, rebaptisé « client », à trouver ou à reprendre au plus vite un emploi, aussi mal rémunéré et peu conforme à ses attentes ou à ses compétences soit-il. Son attribution est conditionnée à un régime de contrôle parmi les plus coercitifs d’Europe.
Fin 2016, le filet Hartz IV englobait près de 6 millions de personnes, dont 2,6 millions de chômeurs officiels, 1,7 million de non officiels sortis des statistiques par la trappe des « dispositifs d’activation » (formations, « coaching », jobs à 1 euro, minijobs, etc.) et 1,6 million d’enfants d’allocataires. Dans une société structurée par le culte du travail, elles sont souvent dépeintes comme un repoussoir ou une congrégation d’oisifs et parfois pis. En 2005, on pouvait lire dans une brochure du ministère de l’économie, préfacée par le ministre Wolfgang Clement (SPD) et intitulée « Priorité aux personnes honnêtes. Contre les abus, les fraudes et le self-service dans l’État social » : « Les biologistes s’accordent à utiliser le terme “parasites” pour désigner les organismes qui subviennent à leurs besoins alimentaires aux dépens d’autres êtres vivants. Bien entendu, il serait totalement déplacé d’étendre des notions issues du monde animal aux êtres humains. » Et, bien entendu, l’expression « parasite Hartz IV » fut abondamment reprise par la presse de caniveau, Bild en tête.

23 oct. 2017

Harcèlement des chômeurs en Suisse

Le Monde Diplomatique met en accès libre un article sur les maltraitances institutionnelles des chômeurs en Suisse ici.

Extrait
Au chômage depuis plus d’un an, Claude, électricien de 50 ans, a demandé à suivre ce que l’on appelle communément en Suisse une « mesure active ». Son conseiller en placement l’a assigné à un « programme d’emploi temporaire » dans une université. Content de pouvoir exercer ses compétences, il commence par affirmer que le prestige de l’institution compense l’absence de salaire pour le travail effectué. Mais l’aura ne résiste pas longtemps au sentiment d’exploitation et à l’impression que ses « collègues » lui réservent le sale boulot : « Ce serait plus valorisant pour moi si je recevais un salaire. Pendant que je suis ici, c’est quand même l’assurance-chômage qui paie, et pourtant, pour le patron qui m’emploie, je suis un ouvrier, une force supplémentaire de travail ! »

Daniela, elle, est arrivée en Suisse à l’âge de 10 ans. Après avoir terminé la scolarité obligatoire sans décrocher de diplôme, elle a travaillé plusieurs années dans une usine. Le jour où celle-ci a fermé, elle s’est retrouvée au chômage. A 23 ans, elle a encore la vie devant elle et nourrit fermement l’espoir de devenir vendeuse. Au moment de notre rencontre, elle a un petit garçon de 2 ans et est enceinte de huit mois. Elle vit un calvaire : « Mon conseiller m’a obligée à faire quelque chose pour que je ne reste pas à la maison. Mais pour moi, ce n’est vraiment pas facile. » Se moquant ouvertement de ses projets professionnels, son conseiller en placement l’a envoyée dans une « entreprise » de tri de déchets électroniques qui fonctionne uniquement avec des sans-emploi. Elle se lève à l’aube pour amener son fils chez sa mère et s’échine ensuite toute la journée à démonter des télévisions usagées. Elle n’ose pas dire que son activité met sa grossesse en danger, de peur d’être sanctionnée ou, pire à ses yeux, de perdre son droit aux indemnités de chômage et de se retrouver mère au foyer.

De son côté, Joshua attend la retraite avec impatience. Logisticien de formation, à l’assistance publique depuis cinq ans, il décrit cette période comme une descente aux enfers. Lorsque son conseiller lui propose d’exercer une activité, il se montre enthousiaste. D’autant que l’intitulé de son poste est le même qu’au temps où il avait un emploi. A une différence près : aujourd’hui, il remplit des fiches de commandes fictives pour des clients imaginaires.

9 sept. 2017

La grève paie

Le site de La révolution permanente relaie un article de Hu-lala.org (ici). On y apprend que les salaires de la Mittel Europa, du groupe de Visegrád, après avoir stagné longtemps entamerait une remontée. Cette remontée serait évidemment une aubaine pour les producteurs et pour les perspectives économiques locales.

Comment ces salaires augmentent-ils? Par la lutte.

Extrait
Dans un contexte de croissance économique et de faible chômage, cet événement pourrait être un signe avant-coureur que l’Europe Centrale sort peu à peu de son modèle économique basé sur une main-d’œuvre bon marché et docile.

Une grève historique

Selon des chiffres communiqués par le syndicat Moderné Odbory Volkswagen (« Syndicat Moderne Volkswagen »), si seuls quelque 5.500 des 12.000 employés ont pris part à la première journée de grèvedu 20 juin, ils furent finalement 8.500 à rejoindre le mouvement. Il s’agissait de la première grève dans cette usine et, Volkswagen étant le plus grand employeur du pays, il s’agissait de la plus importante grève de l’histoire de la Slovaquie indépendante.
Ce dimanche, le plus grand constructeur automobile au monde a reculé devant les syndiqués slovaques en accordant une augmentation de salaire de 14,1%, beaucoup plus près des revendications syndicales 16% que de l’offre patronale de 9%. Les 12.000 employés sont retournés au travail lundi matin et verront donc leurs salaires augmenter de 4,7% ce mois-ci, puis de 4,7% d’ici au jour de l’An, et enfin de 4,1% entre novembre 2018 et fin août 2019.
De plus, les travailleurs se sont vus accorder un bonus de 500 euros pour le mois de juin, 40% de leur salaire pour les trois premiers jours de maladie et un jour de vacances par année en plus en 2018 et 2019. Le « Syndicat moderne » n’a cependant pu faire bouger la direction au sujet des courtes pauses de 10 à 20 minutes dénoncées par les employés dans les médias.


3 sept. 2017

La précarisation comme guerre au salaire

Dans la foulée de toutes les lois "travaille!" en Europe (El Khomery et la réforme par ordonnances du code du travail en France, les lois Peters en Belgique, les "réformes" italiennes ou anglaises), Marie Wierink fait le bilan de ce qui s'est fait au Pays-Bas depuis une vingtaine d'années (ici).

La flexibilisation des employés a amené à substituer des employés avec des droits salariaux (chômage, retraite, santé) forts par des faux indépendants émargeant aux caisses de solidarité collectives. Mais cette substitution s'est accompagnée d'une déqualification du personnel puisque les employeurs n'investissent pas dans la formation des employés précaires.

C'est dire que la flexibilité a remplacé des postes à haute valeur ajoutée par des emplois précaires et qu'elle a diminué la productivité.

Voici ses conclusions:
D’une part, la Commission européenne et le Fonds monétaire international (FMI) s’alarment de la montée du travail indépendant aux Pays-Bas, absorbant la quasi-totalité des nouveaux emplois créés, minant l’équilibre économique des institutions de protection sociale, et ralentissant les progrès de la productivité, du fait de la faiblesse des investissements en formation dans ces personnels. D’autre part, l’amélioration du chômage serait en partie cosmétique : derrière le temps partiel choisi se cache maintenant du sous-emploi, particulièrement du côté des indépendants dont 16 % voudraient travailler davantage, et du côté des travailleurs découragés, qu’on estimait fin 2015 à 131 000 pour 587 000 chômeurs enregistrés. Enfin, la part des gains des travailleurs (salaires et gains des indépendants confondus) dans la valeur ajoutée a reculé de 78 % en 2003 à 73 % en 2015, malgré le rétablissement de la conjoncture et la réduction du chômage. En d’autres termes, en dépit des efforts des partenaires sociaux et du gouvernement pour civiliser son usage, l’emploi flexible doit aussi être considéré comme un facteur essentiel de la modération salariale aux Pays-Bas.

31 mars 2017

Drill baby, drill

Rémi Barroux enquête dans le Monde sur une étrange affaire (ici). Total veut explorer une partie du littoral brésilien pour extraire du pétrole. Cela fait hurler les écologistes (et nous) puisque l'exploration mettrait en péril des biotopes fragiles et riches.

Mais cela fait de l'emploi dans un pays où les politiques austéritaires d'un président non élu ont fait 13 millions de chômeurs. Preuve que la logique de l'emploi-chômage amène tout un chacun à sabrer les ressources mêmes dont sa survie dépend.

Extrait
Total sera l’une des deux compagnies, avec BP, à pouvoir explorer cette zone. L’entreprise française a obtenu du gouvernement brésilien en 2013 la concession de cinq blocs. Elle a identifié plusieurs endroits potentiels à forer. « Nous comptons en démarrer deux dans un premier temps, à 1 900 mètres et 2 400 mètres de profondeur, dès que les autorisations du gouvernement brésilien seront définitives », explique le porte-parole du pétrolier.

Le dossier est instruit par Ibama, l’Institut brésilien de l’environnement et des ressources naturelles renouvelables, sous l’autorité du ministère de l’environnement. Total espère produire des centaines de milliers de barils quotidiens. Problème : l’exploitation pourrait mettre en péril des écosystèmes fragiles et précieux. Un récif corallien insoupçonné et récemment révélé par les scientifiques se situe à tout juste une vingtaine de kilomètres des futurs puits de forage. La région côtière de l’Amazonie abrite quant à elle une faune et une flore exceptionnelles.

Risque de fuites et d’accidents

Les populations locales et les écologistes redoutent les fuites ou accidents de pétrole qui seraient fatales pour ces biodiversités. Greenpeace a fait de ce dossier sa priorité. Depuis le 27 mars, l’ONG multiplie les actions contre Total ; 3 000 litres de mélasse, symbolisant une marée noire, ont été répandus devant le siège de la compagnie à la Défense (Hauts-de-Seine). Le 1er avril, les militants devaient simuler des projets de forage devant des lieux symboliques en France, comme le Mont-Saint-Michel. Une pétition lancée en ligne « Sauvons le récif de l’Amazone » a recueilli plus de 860 000 signatures.

« Une fuite, même faible, pourrait mettre en danger le récif de l’Amazone, encore peu étudié, ainsi que les côtes de l’Etat brésilien d’Amapa et de la Guyane française », explique Edina Ifticene, chargée de campagne pour Greenpeace France.

L’organisation internationale a mobilisé son navire amiral l’Esperanza, début février, pour une mission d’exploration du récif corallien au large de l’Amazone avec les scientifiques brésiliens qui avaient révélé dans la revue Nature en avril 2016 l’existence de ces coraux. Pour ces chercheurs, le projet de Total menace directement leur découverte. « S’il y a un accident, une fuite, le pétrole détruira le récif, il faut en faire une zone protégée », insistait Ronaldo Francini Filho, professeur de biologie marine à l’université de l’Etat de Paraïba.

Toute l’activité de pêche, le long de la côte brésilienne, pourrait également être atteinte. « On a entendu parler du projet pétrolier dès 2013, mais on manque d’informations », témoigne Pedro Aloisio Pitar, le président de l’association locale des pêcheurs de Calçoene, petite ville de moins de 10 000 habitants dans l’Etat d’Amapa.

Biodiversité exceptionnelle

Au nord de l’Etat, à la frontière avec la Guyane française, Ricardo Motta, le directeur du parc national de Cabo Orange qui abrite dans ses mangroves et forêts, 358 espèces d’oiseaux, jaguars, paresseux, tamanoirs, loutres, tatous et autres singes ou jararaca (serpent de la famille des vipéridés), ne croit guère les compagnies pétrolières quand elles avancent que les courants, en cas de catastrophe, emmèneraient le pétrole loin des côtes.

« Ils nous disent que cela partirait vers la Guyane, les Caraïbes, mais on ne peut jamais savoir ce qui se passera réellement. J’ai déjà récupéré, ici dans le parc, des éléments de fusée lancée par la base française de Kourou, en Guyane, tombé dans l’océan et ramené ici par les courants, raconte Ricardo Motta. Le parc ne présente aucun relief, juste la mangrove et la forêt. En cas d’accident en mer, les importantes amplitudes de marée emporteraient le pétrole loin dans les terres, et celui-ci resterait dans la vase, la terre, les racines, impossible à enlever. La catastrophe serait considérable. ». Le directeur du parc redoute le chantage économique et social des compagnies pétrolières, dans un pays en crise, avec ses 13 millions de chômeurs.
Dans sa petite mairie d’Oiapoque, au nord du parc de Cabo Orange, Maria Orlanda revendique, justement, l’intérêt pour l’emploi du projet pétrolier. « On sait qu’il y a des compagnies pétrolières qui prospectent, c’est un gros avantage, cela peut apporter de l’argent et du travail », se félicite la maire de cette ville de près de 35 000 habitants, membre du PTdoB, le Parti travailliste du Brésil.

Pourtant, les compagnies pétrolières ne se sont jamais engagées à fournir des emplois dans cette région. La main-d’œuvre spécialisée viendra d’ailleurs et le va-et-vient des bateaux ou des navires concernera le port de Belém, à plusieurs centaines de kilomètres plus au sud.

Relation étroite avec l’océan

A quelques dizaines de mètres de la mairie d’Oiapoque siège l’Institut de recherche et de formation indigène. Plusieurs responsables de villages y préparent l’assemblée annuelle qui devait réunir 200 représentants des peuples indigènes de la région, Karipuna, Palikur, (Galibi)-Kali’na…

« L’information sur des forages en mer circule de village en village depuis longtemps, mais on nous dit que c’est loin, qu’il n’y a aucun risque. Ici, avec l’augmentation de la population, nous essayons d’améliorer nos productions agricoles avec l’agroforesterie et notre pêche », témoigne Gilberto Laparra, président du Conseil des peuples indigènes d’Oiapoque. Habitant le petit village de Kuahi, l’homme de 46 ans aimerait que BP et Total se rendent dans les communautés locales, car « la mer pénètre dans les rivières et touche les villages les plus éloignés. Nous vivons en relation étroite avec l’océan, il faut qu’ils voient cela de leurs propres yeux ».

Dans le rapport sur les impacts environnementaux transmis par Total à Ibama en juin 2016, le pétrolier présente différents scénarios et leurs conséquences, notamment sur la biodiversité, les qualités de l’eau et de l’air, les activités de pêche. Le groupe français évoque aussi les risques d’accidents, sur les plates-formes elles-mêmes ou sur les nombreux pétroliers qui croiseront dans la zone. Total récuse l’hypothèse que le pétrole puisse atteindre les côtes brésiliennes en cas de fuite d’un puits, mais admet que la collision et le naufrage de navires entre les plates-formes et le port – Belém ayant été retenu comme base arrière – puisse entraîner une nappe touchant le rivage.

30 mars 2017

Adoption d'une loi interdisant les mines de métaux

Selon Telesur (ici, en espagnol), le parlement salvadorien a adopté une loi qui interdit l'exploration, l'extraction et le traitement des métaux sur le territoire national, ainsi que l'utilisation de mercure et de cyanure.

Cette loi était en discussion depuis 2005 et a pu être votée grâce à la pression de groupes écologistes.

C'est toujours une bonne nouvelle que des gens préfèrent la vie à la logique de l'exploitation, de l'emploi et du profit.

Les enfants réfugiés sont exploités en Turquie

Le site Kurdistan au féminin traduit un extrait d'article:

Plus de 140 mille réfugiés syriens vivent dans la ville de Gaziantep. La moitié de ces réfugiés ont moins de 18 ans et nombreux sont ceux qui travaillent, certains dès l'âge de 5 ans, pour essayer d'alléger l'extrême misère dans laquelle ils se trouvent.

La plupart des enfants syriens travaillent dans des boulangeries, épiceries et des ateliers de confection tandis que les petites fillettes travaillent auprès de leurs proches, dans des taudis, pour un "salaire" journalier de 5 lires turques (moins de 2 euros). (...)

Source de l'article: Evrensel (ici, en turc)

Au fond, le capitalisme est l'histoire de l'exploitation de la misère du monde - ce qui explique les juteux profits qui accompagnent les guerres.

29 mars 2017

Non à la taxe contre les chômeurs

Selon un site militant, Marseille infos autonomes, les manifestations en cours en Biélorussie aurait une forte composante sociale (et même salariale): ce sont les chômeurs qui protesteraient contre une taxe qui leur serait réservée.

Source ici

Au départ de ce mouvement social, la mise en place par décret d’une taxe sur « prévention de l’assistanat social » qui criminalisait le chômage, inspirée d’une mesure soviétique et en place depuis 2015. Chaque individu ne pouvant attester de plus de six mois de travail déclaré par an aurait à payer 360 nouveaux roubles biélorusses soit 180€. Mise en place en 2015, et devant être pour la première fois payée en février 2017, en fonction de l’activité de l’année 2016. Entre 430.000 et 470.000 personnes seraient concerné.e.s par cette taxe. Les sanctions prévues en cas de non-paiement vont d’une amende supplémentaire de 47€, jusqu’à deux semaines d’emprisonnement et des travaux d’intérêts généraux, dont la possible rétribution est fixée à 10€ par mois. Au début du mouvement de contestation le mois dernier, seul 12% des concerné.e.s se seraient acquité.e.s de cet impôt. La seule alternative est d’aller justifier sa mauvaise situation financière à une commission gouvernementale avant la date du 20 février, considérée comme un processus humiliant.

Une première marche s’est tenue le 17 février 2017 à Minsk, rassemblant environ 2.000 personnes dans une manifestation non-autorisée symbolique entre la place de la République au centre de la ville et le parlement. La manifestation terminée, les organisat.eur.rice.s appelèrent à la dispersion et à revenir dans la rue dans un mois, pour laisser le temps à Lukashenko d’annuler la loi.
(...)
Plus tard les manifs se sont déroulées dans de plus petites villes dans tout le pays, avec une participation allant de cent à mille. Ces plus petites villes n’avaient pas eu de manifestations depuis plusieurs dizaines d’années, et maintenant les gens y manifestent ensemble contre la loi.

Le 9 Mars, le gouvernement biélorusse aurait reculé en suspendant la mesure controversée, allant jusqu’à rembourser ceux qui l’auraient déjà payée, mais sans pour autant l’annuler. Cela ne semble pas arrêter la contestation, qui s’étend maintenant aux autres villes du pays comme Brest, Gomel, Hrodna, Ragachou et Vorsha et au-delà des cercles de l’opposition traditionnelle d’après des journalistes et n’est plus uniquement contre l’annulation de la loi mais aussi contre Lukashenko et son gouvernement. Le lendemain, le même gouvernement commençait une campagne d’arrestation d’activistes et journalistes indépendant.e.s dont certain.e.s ont déjà été condamné.e.s à des amendes et de la détention pour participation à des rassemblements non autorisés.

28 mars 2017

Des esclaves sous-traités

En Belgique, dans la région de Charleroi, des syndicats ont découvert des travailleurs sous-traitants des pays de l'Est soumis à des conditions indignes. Rappelons que le recours aux travailleurs détachés et à la sous-traitance sabre les salaires dans les pays de l'Ouest et légalise des reculs sociaux de plus d'un siècle.

Extrait du reportage de la RTBF en ligne ici:

Des chauffeurs de nationalité roumaine et polonaise logés dans des conditions effroyables. C'est la mauvaise surprise qui est tombée sur la tête des syndicats de Yusen Logistics à Courcelles ce dimanche. D'habitude les travailleurs de Yusen Logistics travaillent presque tous sur le site de Caterpillar. Mais vu le climat tendu dans leur propre procédure Renault (Caterpillar est le principal client de Yusen Logistics), les travailleurs ont organisé une surveillance de leur site de Courcelles.
Ce dimanche ils sont tombés sur une quinzaine de personnes qui manipulaient les camions. Des travailleurs venus des pays de l'Est occupés à charger et qui s'apprêtaient à prendre la route. Les syndicats ont découvert aussi les conditions de vie des ces chauffeurs. A l'arrière de la cour où stationne les camions et le matériel, quelqu'un a installé il y a longtemps déjà, une cabine de chantier en mauvais état.

La description des lieux laisse sans voix. Des fauteuils moisis et troués sont installés devant une vieille télévision. Une casserole chauffe sur une cuisinière au gaz vétuste et trois chauffages électriques sont branchés sur des rallonges rafistolées au papier collant.
Dans le coin, un matelas qui n'invite pas au repos semble être le seul lit pour ces chauffeurs. Combien sont-ils ? Difficile à dire. Les échanges se nouent entre eux et les syndicalistes. Les uns ne parlant pas français et les autres ne parlant pas le roumain ou le polonais. Ils étaient apparemment 10 aujourd'hui. Trop nombreux pour ce logement par ailleurs insalubre.

Francisco Mateo, délégué CSC chez Yusen Logistics, s'emporte quand il explique la situation. "C'est de l'esclavage moderne. Et en plus, ils déchargent et chargent les camions eux mêmes. On ne sait pas s'ils ont le permis ou des papiers pour tout ça et ça veut dire qu'ils travaillent des heures incroyable. Ce sont des dangers ambulants sur nos autoroutes." Des agents de police sont venus constater la situation. Ils ont pris des photos avant de repartir.
La direction de Yusen Logistics est aux abonnés absents. Seul un représentant de la hiérarchie nous dit assumer la situation et assure que le logement est tout à fait acceptable.
Les travailleurs de Yusen Logistics sont en grève pour 24h. Ils espèrent pouvoir relancer le dialogue avec la direction et avancer dans leur procédure Renault.

Pour un système de pension par répartition

Au Chili, d'importantes manifestations ont eu lieu pour demander un système de pension de retraite qui soient payé par les employeurs, l'État et les employés. Le système actuel, système de pension privé par capitalisation a été imposé par le dictateur putschiste Augusto Pinochet.

Source: Telesur (ici, en espagnol)

26 mars 2017

Rejet d'une "loi travaille" à la brésilienne

Temer, le président non-élu du Brésil qui a chassé la présidente élue Dilma Rousseff par un coup d'État institutionnel entend faire passer une loi travail qui rappelle furieusement celles qui ont été passées (de force aussi) en Italie, en France ou en Belgique.

Telesur en détaille le contenu (ici, en espagnol):

- réforme du système de protection sociale: augmentation de l'âge minimum de la retraite (65 ans!)

- gel des embauches dans les services publics, gel du budget pour la santé et l'éducation pour vingt ans.

- négociation: le projet de loi 4193 prévoit que les droits inscrits dans la législation du travail (CLT selon l'acronyme en portugais) puissent être négociés entre les travailleurs et les employeurs.

- sous-traitance: le projet de loi de la Chambre autorise les entreprises à contracter les services de tiers pour l'activité finale à laquelle elles se consacrent. Ceci diminue les coûts du recours à la sous-traitance et généralise la possibilité de recours à de tels contrats pourris (les universités pourraient employer des femmes de ménage en sous-traitance).

- flexibilisation de la journée de travail: la loi prévoit de légaliser le contrat temporaire même pour quelques heures et permet d'élargir la journée de travail de huit heures à douze heures.

Désolé pour celles et ceux qui aiment le dépaysement, mais c'est tout sauf exotique. C'est un retour au 18e siècle, celui des journaliers faméliques, des ateliers précaires, des esclaves à la journée et des rentiers replets.

Les mineurs font la mine

Sur le site du CADTM, Franck Gaudichaud résume les enjeux des mouvements de grève dans les mines au Chili.

Nous rappelons que les mineurs n'ont aucun besoin de propriétaires lucratifs. Nous espérons que les mineurs puissent gérer eux-mêmes leur outil de travail, la nationalisation ayant été, en Angleterre, par exemple, un échec absolu du point de vue du dépassement de l'emploi.

Voici une reproduction du contenu de l'article disponible ici:
Aux mains de deux géants du secteur privé, BHP Billiton et Rio Tinto PLC (capitaux anglo-australiens), Escondida est la plus importante productrice d’«  or rouge  » de la planète, avec l’extraction de 900 000 tonnes par an, soit 20 % de la production chilienne (la nation qui possède la principale réserve mondiale de ce minerai).

Face à l’annonce d’une grève «  illimitée  », le groupe a paralysé les activités du site, affolant les spéculateurs de la bourse de Londres. Malgré les menaces du président de la mine, Marcelo Castillo, et la pression du gouvernement de Michèle Bachelet (socialiste), les mineurs ont maintenu leur mouvement, installant un piquet de grève tournant, un campement à l’extérieur de la mine (à 3 100 mètres d’altitude en plein désert d’Atacama) et en ayant préalablement réuni un important fonds de soutien. Et le ministre des Finances, Rodrigo Valdés, a dénoncé cette lutte  : «  cette grève pourrait affecter plus gravement le produit intérieur brut que les incendies de forêts – les plus graves de l’histoire du Chili – qui ont ravagé le pays fin janvier  ».
C’est après avoir rompu les négociations que le principal syndicat de Escondida s’est lancé dans la grève, avec pour revendication principale la revalorisation des salaires, alors que le prix du cuivre a connu une augmentation de 27 % en 2016, et devrait poursuivre cette montée en flèche d’ici 2020, pour le plus grand profit des actionnaires. «  Le minimum que nous demandons – a répété le dirigeant du syndicat Jaime Thenoux – est de pouvoir maintenir les bénéfices de la convention collective actuelle  », en particulier pour les mineurs qui viennent d’intégrer Escondida.

Une position qui pèse...

La stratégie des entreprises minières est toujours plus de flexibilisation, alors que des milliers d’emplois ont été supprimés par les nombreux sous-traitants. Le syndicat exige quant à lui une augmentation de 7 % des salaires et une prime exceptionnelle de 38 000 dollars par personne.

Si ces mineurs sont souvent qualifiés d’«aristocratie ouvrière» du fait de revenus très élevés en comparaison avec l’immense majorité du peuple chilien, ils doivent supporter des conditions de travail extrêmes. Et c’est surtout la position stratégique qu’ils occupent dans l’économie primo-exportatrice du pays qui donne énormément de poids à leurs résistances.

Dans un contexte de forte atomisation du mouvement syndical, héritage de la dictature mais aussi de 25 ans d’un modèle ultra-libéral (administré en grande partie par les sociaux-libéraux), cette grève pourrait montrer la voie. D’autant que la Centrale unitaire des travailleurs (CUT) reste aux mains d’une bureaucratie très largement cooptée par les partis du gouvernement, à commencer par le Parti communiste…

Désormais, rôde le spectre de la grande grève d’Escondida de 2006, au grand dam des médias conservateurs et du patronat. Ce conflit dur, qui dura 25 jours, avait fait trembler le secteur minier mondial et participé de la revitalisation syndicale en cours dans tout le pays. Salvador Allende en son temps a souligné à quel point le cuivre était le «  salaire du Chili  ». Aujourd’hui à nouveau très largement dans les mains du capital transnational, les appels à la renationalisation des ressources minières, sous contrôle de la population, résonnent avec force.

Le cocher, soutier chez Uber

Ludo Simbille mène une enquête poignante sur les conditions de travail des employés de la compagnie Uber sur le site de l'Observatoire des Multinationales (ici). En fait, ce ne sont pas dans employés. Les propriétaires lucratifs ont réussi à se défaire de leurs devoirs d'employeur pour transformer les producteurs en tâcherons.

Sous le verni d'une pseudo-modernité classe, c'est bien le 18e siècle qui resurgit, avec ses journaliers et ses journées de 17 heures.

Nous demandons que l'emploi soit dépassé. En enlevant la qualification du poste, des mains du propriétaire lucratif pour l'octroyer au producteur et en enlevant l'intégralité de la gestion et du profit de toute production économique de ses mains. Uber n'est pas une avancée mais un gigantesque retour en arrière où jamais le producteur n'obtient la reconnaissance et le salaire attachés à sa personne mais où, sans cesse, il doit produire les pièces dont il tirera sa pitance.


Ils travaillent plus de 60 heures par semaine et gagnent moins que le Smic. Ce sont les chauffeurs VTC. Ils seraient autour de 20 000 en France. L’arrivée de la plateforme numérique Uber a suscité espoirs et vocations pour de nombreux exclus du marché du travail. Et la marque a tout fait pour attirer de nouveaux « partenaires », en particulier en Seine-Saint-Denis où le chômage dépasse les 18%. Derrière les promesses d’autonomie et d’activités rémunératrices, beaucoup découvrent la précarité, le salariat déguisé sans protection sociale, l’endettement et, au final, une nouvelle forme de soumission. Aujourd’hui en lutte, certains chauffeurs s’apprêtent à attaquer Uber en justice pour travail dissimulé. Reportage auprès de ces « uberusés » en colère.

Ils portent des costumes-cravates classieux, conduisent des berlines noires étincelantes aux vitres teintées et font pourtant des courses pour moins de 5 euros. « T’imagines ! On est moins cher que la RATP », lâche Ali, la quarantaine fatiguée en montrant une Peugeot 508 éclatante. Si quatre passagers font une course de 7 euros, ça leur revient à 1,75 euros par personne. »

Depuis plusieurs mois, la colère gronde sous les capots contre les plateformes numériques de mise en relation entre passagers et chauffeurs, Uber bien sûr, en tant que leader incontesté du secteur, mais aussi Snapcar, Le Cab, Chauffeurs privés ou MarcelCaB. La plupart des chauffeurs alternent entre ces marques mais restent fidèles au géant et ses 1,5 million d’utilisateurs en France. Face aux grèves et actions à répétition de ses travailleurs « VTC », pour voiture de transport avec chauffeur, la direction d’Uber a été contrainte d’ouvrir, ce 22 février, des négociations avec leurs représentants syndicaux [1]. Au programme : étudier un dispositif de soutien aux chauffeurs en difficulté. Pour certains, l’« innovation » Uber commence à virer au cauchemar.

1100 euros net, sans droit au chômage et sans congés payés

Tous les matins, Ali se branche sur l’appli UberX pour commencer une journée de travail… à perte. Cet ancien serveur en restauration a beau travailler de 5h à 21h, il ne s’en sort plus depuis la baisse des tarifs pratiqués par Uber. Mais Ali n’a pas le choix. Il doit amortir sa Ford Mondéo qu’il a achetée à crédit plus de 30 000 euros pour se conformer aux modèles imposés par les plateformes. En guise de protestation, il ne prend même plus la peine de porter le costume ni de proposer les bouteilles d’eau ou bonbons à ses passagers. Ce qui a fait le standing et le succès d’Uber auprès des clients – accessibilité, disponibilité, tarification – fait désormais le malheur de ces conducteurs. « Uber X : c’est toujours mieux qu’un taxi », proclame le slogan. Tout dépend de quel côté on est assis.

(...)

« Avec moins de 600 euros par mois, j’arrêterais bien mais je suis bloquée »

« Ces cochers du 21ème siècle » ne sont pas salariés d’Uber mais des « partenaires ». Ils travaillent le plus souvent sous le régime d’auto-entrepreneurs. Ils ne cotisent donc pas aux caisses de protection sociale. Pourtant, Uber reste perçu comme le premier « employeur » de jeunes issus des banlieues, offrant une opportunité d’insertion à une population exclue du marché du travail, sans CV ni diplôme. Un sondage commandé par la firme affiche que 55% de ses recrues étaient au chômage. Sauf que la plupart d’entre eux gagne finalement à peine le Smic en travaillant en moyenne 70 heures par semaine. On est donc loin des 2000 euros net mensuels pour 45 heures de travail hebdomadaire avancés par une étude financée par la direction d’Uber.
Pour Grégoire Kopp, porte-parole de l’antenne française d’Uber et ancien conseiller au ministère des Transport, les mauvaises conditions de travail de ses chauffeurs seraient dues à leurs « mauvais choix en termes de business plan » (Voir ici). Une position que n’est pas loin de tenir Robert [2]. « Faut pas exagérer c’est pas l’usine non plus, t’es assis dans une belle voiture, tu discutes avec les clients. Si les conditions sont si mauvaises, pourquoi ne pas arrêter ? » relativise-t-il.

« Ils ont tout calculé pour mettre la pression »

Ce trentenaire d’une banlieue nord-parisienne a concrétisé le « rêve de nombreux chauffeurs ». Après avoir roulé pendant quelques mois avec une VTC qu’il louait en binôme avec un autre chauffeur, Robert a monté sa boîte. Il emploie désormais treize chauffeurs. Il montre fièrement le chiffre d’un de ses employés qu’il suit en direct sur son smartphone : 1673 euros net la semaine. Le montant détonne avec celui des autres. L’homme a roulé 64 heures en sept jours. « Ceux qui s’en sortent passent 17 heures au volant puis dorment dans leur voiture, j’en ai vus à l’aéroport », rétorque une manifestante. « Uber nous a vendu du rêve. Mais ensuite, on ne peut plus faire machine arrière », critique-t-elle. « Personnellement, si je n’avais pas de crédit, j’arrêterais. Mais je suis bloquée. Je vis avec moins de 600 euros par mois. »
Beaucoup ont cru à cette « uberéussite », promue par les publicités. Devenir son propre patron en quelques clics, un entrepreneur autonome, travailler à son rythme. Hanan, une des rares femmes présentes place de la Bastille ce jour de manifestation, travaille pour deux applications, LeCAB et UberX. En 2015, elle traverse une « petite période creuse » après la fermeture de son restaurant. Elle se lance dans le business VTC. « J’aimais la conduite, je me disais que je serais libre, que j’allais gérer ma journée. Je croyais que j’allais m’en sortir. Mais au fur et à mesure, on s’est rendu compte que ce n’est pas nous qui décidions. Ils ont tout calculé pour mettre la pression : nous sommes dans le stress tout le temps. »

Rouler 80 km à vide pour prendre des clients

En théorie, les travailleurs sont indépendants. En réalité le chauffeur n’a aucune marge de manœuvre sur ses commandes. Lorsque son « appli » bipe, il ne connaît ni le montant ni la destination avant d’accepter la course. Ce qui peut réserver quelques surprises. « Parfois, je me déplace dans les banlieues lointaines, à 7 km, pour découvrir que la course est de 3,5 km », témoigne Youssef. En plus, le temps d’attente ou le déplacement entre les courses n’est pas calculé, donc non rémunéré. Or de nombreux client réservent seulement pour quelques mètres. « S’il y a des bouchons, tu restes coincé vingt minutes pour 5 euros », poursuit le trentenaire.
Repérer les bons spots, « chasser » le voyageur potentiel, tourner dans l’espoir que son smartphone signale une course constitue le quotidien des chauffeurs. Légalement, ils doivent se diriger vers le siège de leur entreprise entre deux courses. Ils n’ont pas le droit de faire des maraudes, à la différence des taxis. « On prend tout le monde. À chaque heure, une catégorie différente. Le matin, ceux qui vont à la gare ou l’aéroport, ceux qui déposent leur enfant à l’école. Le midi, ceux qui vont de leur bureau au restaurant pour déjeuner », observe Mohamed, 46 ans, qui arrive des Mureaux (78) sur Paris tous les jours sans trouver de passager. 80 km à vide.

Une course au chiffre

Le chauffeur n’a pas le choix du chaland. Si par hasard il en refuse certains, gare à lui : au bout de trois annulations de courses, le compte Uber peut être désactivé. « Là on va direct au chômage, sauf qu’on n’y a pas droit », se désespère Youssef. Très vite, la flexibilité des horaires tant recherchée se traduit finalement par une incertitude permanente pour combler ses dettes. Youssef en sait quelque chose : « Il y a des jours, tu te lèves le matin sans savoir combien tu vas faire. Parfois tu rentres chez toi, avec la crainte de ne pas avoir fait assez, alors tu ressors le soir. Je continue sinon qui va payer mon loyer ? »
C’est une course au chiffre. Une course contre la fatigue et le sommeil. Certains s’empêchent même de boire pour ne pas avoir une envie d’uriner, synonyme de pause. Quitte à mettre en danger leur santé ou la sécurité des passagers. C’est ce qui a failli arriver à Youssef lorsqu’il s’est endormi au volant en fin de nuit. Heureusement, il ne transportait personne. Les accidents seraient si fréquents sur les VTC que les assureurs rechigneraient désormais à couvrir certains véhicules. « Une autre fois, j’ai travaillé de 20h à 6h du matin. Mon dernier trajet jusqu’à l’aéroport m’a paru durer une vie tellement je m’endormais et je ne voulais pas le montrer au client », se souvient Youssef.

Désactivé dix jours pour une « erreur » de la cliente

Ce type d’excès de zèle est dicté par le souci du confort des passagers. Après chaque trajet, ces derniers peuvent noter le comportement de ceux et celles qui sont au volant. « Notés comme des élèves », se désole Hanan. Si la moyenne baisse trop, ils se voient rappelés à l’ordre ou, pire, déconnectés. Difficile de répondre lorsqu’un usager hausse le ton, se permet l’impératif ou le tutoiement. Au moindre faux-pas, on risque la désactivation. Pris en étau entre l’utilisateur et la plateforme, l’uber pilote n’est pas le maître à bord. Au grand dam d’Ali : « S’il y a une embrouille avec un passager, Uber croira toujours le client. Le client a toujours raison, il est comme notre maquereau. » Ce système de notation, censé améliorer la qualité de service, s’apparente finalement aux sanctions disciplinaires d’un employeur.

Poste restante

In memoriam

Le très employiste et pro-patronal Le Point nous fait savoir qu'il y aurait eu cinquante suicide dans la très new-managment Poste en France. La direction criminelle nie les faits (mais on attend toujours le tribunal qui tranchera l'affaire). Nous rappelons que ces morts sont provoquées par une gestion du personnel qui entend maximiser les profits des propriétaires. 

Extrait de l'article en ligne ici.

Cinquante employés de La Poste se seraient suicidés cette année, un chiffre terrifiant dont disposerait la direction grâce à l'existence, tenue secrète, d'une « cellule de suivi de drames ». L'information, publiée par le site Mediapart, est confirmée par deux syndicats de l'entreprise publique, la CGT et Sud-PTT. Ces organisations affirment détenir une note confidentielle selon laquelle plus de 50 suicides seraient recensés, « potentiellement en lien avec le travail ». Cinquante décès volontaires dans une entreprise qui compte 260 000 salariés, dont 180 000 postiers affectés au courrier.

La direction dément ce nombre et nie l'existence d'une cellule dédiée au suivi de ces drames. Saisie de ces graves accusations, elle répond être « une entreprise humaine et responsable » et regrette d'avoir à déplorer trois suicides dans l'année écoulée. La CFTC affirme pour sa part qu'un tel chiffre n'est pas communiqué ainsi dans les rapports officiels", et, précise son représentant Sébastien Aufray, « il est compliqué de définir dans un suicide la part de responsabilité de l'entreprise ». Le syndicaliste estime toutefois qu'il lui paraît possible que 50 salariés aient cette année mis fin à leurs jours.

L'emploi promet richesse et reconnaissance ... pour l'actionnaire

Dans Le Monde (ici) Emmanuel Freudenthal mène une
Enquête sur la mine de New Liberty Gold, dans l’ouest du Liberia, qui promettait prospérité aux habitants. Un projet financé par une filiale de la Banque mondiale.
La promesse de l'or est celle de l'emploi: une richesse et une reconnaissance pour le propriétaire et rien du tout pour l'employé. Extrait

Siah* calculait : elle avait 500 dollars libériens en poche. Elle en avait déjà dépensé 300 pour son transport à l’hôpital et devrait payer la même somme pour rentrer chez elle. Le médicament pour soigner Joseph, son bébé atteint de paludisme, coûtait 1 500 dollars libériens. Elle n’avait pas assez. Ce jour-là, son plus jeune fils mourut dans ses bras.

Siah habite à Kinjor, une ville de l’ouest du Liberia, à quelques pas de la première mine d’or industrielle du pays, New Liberty Gold, qui compte extraire pour un milliard de dollars du précieux métal.

Pour faire place à la mine, les habitants de Kinjor ont dû abandonner leurs maisons, leurs fermes et les petites mines d’or qui leur fournissaient quelques revenus. En contrepartie, le projet New Liberty Gold était supposé améliorer leur vie, avec des emplois, de nouvelles maisons, une école et une clinique, où le petit Joseph aurait pu être soigné.

En 2014, le projet minier a obtenu un investissement de 19 millions de dollars (17,57 millions d’euros) de la Société financière internationale (IFC, filiale de la Banque mondiale spécialisée dans les prêts au secteur privé) dans le but d’améliorer la vie des Libériens. Mais les promesses de développement sont tombées à plat. Pour le moment, ces fonds n’ont bénéficié qu’aux actionnaires de l’entreprise, lesquels sont dissimulés par de complexes montages offshore. Parmi les actionnaires historiques, certains ont été liés à Charles Taylor, seigneur de la guerre devenu président et condamné en 2012 à cinquante ans de prison pour « crimes de guerre ».

Grève générale en Guyane

Le Monde nous fait savoir que la Guyane voit une importante mobilisation pour le moment. Pour résumer, on pourrait dire que les Guyanais sont épuisés d'être considérés comme des coûts, de ne pas avoir de perspectives professionnelles (sauf à faire les larbins, donc) et de vivre dans l'indigence qu'induit l'idée de considérer les gens comme des coûts.

Bon courage à toutes et à tous.

Touchée depuis plusieurs jours par une série de mouvements sociaux, la Guyane, collectivité territoriale de plus de 250 000 habitants, voit la mobilisation prendre de l’ampleur, avec le vote, samedi 25 mars, par l’Union des travailleurs guyanais (UTG) de la grève générale à compter de lundi. La mobilisation, soutenue par des collectifs de citoyens, dénonce globalement les problèmes du territoire en matière de santé, d’éducation, d’économie, de sécurité, d’accès au foncier ou de logement.

En votant à l’unanimité la grève générale à compter de lundi, les 37 syndicats réunis au sein de l’UTG souhaitent protéger les salariés grévistes dans des secteurs très divers, a précisé Albert Darnal, le secrétaire général de l’organisation.

Regroupant pêle-mêle des salariés d’EDF, des collectifs contre l’insécurité, un collectif dénonçant l’insuffisance de l’offre de soins et les retards structurels en matière de santé, ou encore des socioprofessionnels et des transporteurs, le mouvement de protestation a notamment monté des barrages obstruant depuis jeudi une dizaine de ronds-points stratégiques du littoral guyanais, bloquant notamment l’entrée de Cayenne.
 Source: http://www.lemonde.fr/societe/article/2017/03/25/guyane-les-syndicats-votent-la-greve-generale-a-compter-de-lundi_5100885_3224.html

26 févr. 2017

Des droits au rabais

Dans Bastamag, Laurent Morel enquête sur les conditions de travail dans l'enseigne discount Primark. On connaît le calvaire des producteurs, des productrices bangladeshis, mais on connaît moins celui des travailleurs et des travailleuses ici, en France.

Le recours à des formes de tortures psychiques plus ou moins grossières y est monnaie courante.

Extrait de l'article disponible ici
À chaque ouverture d’un magasin de la marque irlandaise, l’histoire se répète : une file d’attente interminable et des clients qui repartent les bras chargés de grands sacs en kraft brun recyclé, frappé du logo turquoise Primark. L’enseigne a de quoi séduire le grand public : des prix cassés toute l’année (en moyenne de 4 à 6 euros par article), un large choix de produits allant du prêt-à-porter à l’accessoire en passant par la chaussure et la literie, ou encore des emplacements premium en centre commerciaux. 

Des prix tellement bas qu’ils ont poussé le député belge (socialiste) au Parlement européen Marc Tarabella à poser l’année dernière une question écrite à la Commission Européenne, afin que cette dernière enquête « sur les pratiques de la marque ». Une démarche jamais entreprise. « J’ai fait cette demande car les prix pratiqués par cette enseigne défient toute concurrence, d’où mon interrogation. Surtout lorsque l’on connaît les problèmes de conditions de travail dans certains pays d’Asie. Malheureusement, la Commission Européenne ne réalise que trop peu rarement d’enquête » nous explique-t-il.

Dans les pays producteurs, salaires de misère et catastrophes

D’après les témoignages que nous avons récoltés, l’envers du décor Primark fait en effet peu rêver. Tout commence en amont, dans les usines de confection d’Asie du sud-est notamment, au Bangladesh ou au Cambodge par exemple, où les salariés perçoivent entre 50 et 100 euros par mois seulement ! En attendant peut-être de voir l’entreprise investir prochainement l’Éthiopie, qui se démarque aussi par ses coûts de main d’œuvre excessivement faibles.

Les conditions d’emplois exécrables de ces grandes marques textiles ont été exposées aux yeux du monde entier lors de l’effondrement du Rana Plaza au Bangladesh, qui avait provoqué la mort de 1138 ouvriers en avril 2013. Primark, qui faisait partie des clients de l’usine, se défend en affirmant avoir versé des compensations aux familles des victimes. Mais le mal est fait et la politique de fabrication n’a pas fondamentalement évolué. Car pour mettre en vente un jeans à neuf euros, au moins un acteur de la chaîne n’y trouve pas son compte. Et dans le cas de Primark, ils sont nombreux à ne pas s’y retrouver (voir notre dossier sur l’industrie textile).

Dans les boutiques : « Nos droits sont mis de côté, comme si l’on était au Bangladesh… »

En France également, les conditions de travail sont difficiles. Rupture abusive des contrats lors des périodes d’essais, arrêts maladie non payés, ambiance de travail stressante… les retours d’expériences de salariés laissent peu de place au doute. « Vous êtes épiés et surveillés comme le lait sur le feu en permanence, relate ainsi Aymeric, ex-salarié à Lyon. Les chefs ne se gênent pas pour mal vous parler et vous rabaisser devant les clients. J’y ai eu le droit plus d’une fois. C’est humiliant. » Une situation que connaît bien Anna, du Primark de Dijon. « Mes supérieurs se moquent de moi à cause de mon accent car je ne suis pas française, ils s’amusent même à m’imiter. Cela fait maintenant trois ans que ça dure alors que je leur ai dit plusieurs fois d’arrêter », se désole-t-elle.

Pour Estelle, qui a finalement remis sa démission au mois de mars 2016 après huit mois passés dans le magasin de Lyon, Primark constitue la « pire expérience professionnelle » de sa vie. « Aujourd’hui encore, j’ai des problèmes de sommeil hérités de mon expérience chez Primark. Vous êtes constamment mis sous pression par les managers pour que le magasin soit bien rangé. Lorsque je leur ai finalement dit que je commençais à prendre des antidépresseurs, la superviseuse m’a ri au nez ! » Dégoûtée, Estelle a même décidé qu’elle ne travaillerait plus dans le commerce. Cathy, employée à Créteil, a de son côté l’impression « d’avoir vieilli de dix ans après deux années passées chez Primark. Les jeunes, particulièrement, ont beaucoup de mal à supporter le rythme très soutenu de travail, dès 6 h du matin une semaine sur deux, particulièrement à Créteil où entre trois et cinq camions viennent livrer des pièces chaque jour. »
Ces retours d’expériences catastrophiques sont loin d’être des cas isolés. À l’image d’Élodie, toujours en poste à Lyon, qui n’a désormais plus le courage de se rendre sur son lieu de travail. « J’ai travaillé plus de six ans dans diverses enseignes de prêt-à-porter, mais ici c’est l’horreur, raconte-t-elle désespérée. Les managers nous parlent comme des moins que rien, on est juste des matricules pour eux. En réalité, lorsque l’on signe chez Primark, on a l’impression que nos droits sont mis de côté, comme si l’on était au Bangladesh… » Des problèmes récurrents concernant les paiements des salaires, les fiches de paie et les arrêts maladies ont aussi été observés.