3 nov. 2014

La privatisation ou l'art de ne pas résoudre les problèmes

Le Courrier des Balkans traduit un article de Vladimir Cvijanović (ici, en français). Extrait de cet article qui fait le point sur les enjeux de la volonté des autorités croates actuelles de privatiser tout ce qu'elles peuvent.

Nous rappelons que nous défendons le salaire hors emploi, la fonction publique et non le service public, nous souhaitons que cette fonction publique soit universalisée de telle sorte que nous puissions enfin travailler hors emploi, sans employeur.
Le gouvernement croate fait des pieds et des mains pour brader ses entreprises publiques dans le cadre d’un grand projet de loi « sur les investissements stratégiques ». Un programme bancal qui manque de transparence et favorise le clientélisme, alors que les bénéfice supposés de cette initiative sont bien incertains...


Les objectifs de la loi sur les projets d’investissement stratégiques en Croatie ont changé. Au début, on entendait des annonces pompeuses sur les milliards qui allaient pleuvoir sur la Croatie. Désormais, on ne parle plus qu’une chose : « certains points dans la loi doivent être changés parce que les caisses sont vides ».
La loi devrait en effet être modifiée afin d’assouplir les conditions financières imposées aux investisseurs potentiels, pour convenir au plus grand nombre et faire tourner la machine administrative. Car si les investissements « stratégiques » en Croatie ne marchent pas, sur quoi d’autre miser ?
Toutes les initiatives du gouvernement pour créer un cadre favorable aux grands investissements dits « stratégiques » ont été montrées du doigt dès le début. Certains détails devraient même sérieusement inquiéter les Croates : la loi ne prévoit pas la création de plans d’urbanisme détaillés, et les investisseurs peuvent être des individus auparavant condamnés pour fraude - sans parler de l’absence de transparence dans la sélection des projets, ou la discrimination contre tous les autres investissements, ainsi que les incertitudes sur ceux qui pourront s’approprier ces biens publics.
Clientélisme
La plupart des membres du Comité d’évaluation des projets stratégiques sont des fonctionnaires ou des administrateurs qui travaillent à l’échelle locale ou régionale, alors que les investissements stratégiques se passent forcément l’échelon national. Une telle concentration du pouvoir dans les mains de ces décideurs, dans un contexte de grande corruption et de clientélisme, ne laisse rien présager de bon, et les ONG ont déjà attiré l’attention sur ce point.
Le projet de loi stipule que « le gouvernement croate peut disposer sans aucun appel d’offres public des propriétés appartenant à la République de Croatie nécessaires à la mise en œuvre de projets stratégiques. La valeur des terrains est estimée par un évaluateur agréé et proposé au prix du marché. » Il précise également « qu’avec un avis préalable de l’organisme compétent de l’Etat, il est possible d’inclure des parcelles de forêt ou de terres appartenant à la République de Croatie et nécessaires à la mise en œuvre de projets stratégiques. » On apprend enfin que « la décision d’abolir le statut de biens publics dans l’utilisation générale des voies publiques appartient uniquement au gouvernement de la République de Croatie ». On peut bien croire que les intentions du pouvoir exécutif sont honorables, mais le système juridique d’un Etat démocratique ne peut pas compter uniquement sur cette présomption. Au contraire, on doit pouvoir s’appuyer sur une réglementation légale claire.
L’objectif réel de cette loi a été expliqué il y a près de deux ans par l’ancien premier vice-Premier ministre Radimir Čačić, qui a expliqué qu’elle « permettait de désactiver le jeu politique local, laissant à l’Etat le soin de définir la nature des projets stratégiques auxquels les autorités locales devront se soumettre. » Ainsi, si on part de l’hypothèse que tous ces projets stratégiques sont souhaitables, le gouvernement local aurait été mis au pas par ces nouvelles normes juridiques. Si on avait réussi à faire la réforme de l’autonomie administrative, régionale, locale et territoriale, ce petit jeu juridique n’aurait pas eu de sens. Cependant, ni le SDP ni le HDZ n’ont jamais réussi à faire passer une telle réforme.
Chômage, pauvreté, inégalités
Si les investissements se font dans cette ambiance, la stratification sociale va continuer son chemin car il s’agit là d’un modèle capitaliste qui jette les gens à la rue pour canaliser les bénéfices au profit un petit nombre. La croissance économique restera infime – comme le prédit le FMI pour la Croatie – mais le pays aura toujours un grand nombre de chômeurs sur les bras, la pauvreté augmentera ainsi que les inégalités.