6 nov. 2014

Rencontres

  • Rencontres

À l'occasion de la manifestation syndicale contre les mesures gouvernementales en Belgique, il m'est arrivé de faire quelques rencontres qui, à leur manière, racontent aussi bien la journée que les enjeux de cette histoire.

1. Sur le chemin de la gare, j'ai rencontré une mère de famille qui vient d'apprendre que ses prestations de chômage vont lui être supprimées. C'est le gouvernement précédent qui a pris cette mesure, un gouvernement censé être de gauche, un gouvernement dirigé par Elio Di Rupo, un premier ministre qui appartient au parti socialiste.

La détresse de cette femme est visible, elle ne sait pas comment elle va nourrir ses enfants: son état de santé lui interdit même le recours au travail au noir.

La fin des prestations de chômage votée et décidée par le gouvernement Di Rupo (PS) signifie pour elle et pour des dizaines de milliers comme elle la misère, la galère. Pour la société, l'ensemble de ces mères célibataires va poser un problème: que deviendront leurs enfants, comment vont-ils être élevés et, accessoirement, comment acquerront-ils une qualification qui en fera des producteurs économique utiles à l'économie de notre société? Cette mesure de guerre au salaire, imbécile, cruelle et contre-productive coûte un maximum à la société sur le long terme et elle réduit la production de valeur économique, de salaire, de qualification, de prospérité générale. 

Le parti socialiste belge (mais je crois que les amis français ou grecs pourraient en dire autant) a opté pour un ensemble de mesures ultra-employistes, agressives envers les salariés. On connaît le résultat: crise économique, déflation salariale et misère à grande échelle.

Pourtant ce parti socialiste prétend aujourd'hui s'opposer au gouvernement Suicidois, contre l'austérité et les mesures anti-sociales. Rassurez-vous, les PS présents dans la manif ne faisaient pas allusion à la guerre au salaire décidée et menée par leur parti au sein d'une curieuse coalition.
2. Dans la manifestation, une femme seule marche avec son déambulateur. Elle arbore deux drapeaux belges frappés du blason royal. Renseignements pris en laissant traîner mon oreille, derrière ces drapeaux, cette invalide se bat pour la sécurité sociale, pour ce qui lui permet de vivre, pour sa dignité de productrice.

Le gouvernement suicidois menace de scinder la sécurité sociale - ce qui menace la sécurité d'existence de cette Flamande fière de ses drapeaux. Elle parle aussi des mesures d'activation des invalides. Elle s'inquiète. Il se dit que les chômeurs à 33% seront activés (merci le gouvernement précédent) voire à 66%. Et nous nous inquiétons avec elle. Cette productrice, créatrice de valeur de plein droit risque l'exclusion économique, la misère - elle aussi.
3. Une surprise en se dirigeant vers le café pour éviter l'hypothermie: De Coninck, l'ancienne ministre de l'emploi elle-même, c'est elle qui a organisé l'exclusion de dizaines de milliers de chômeurs du salaire, des prestations de chômage.

Une curieuse présence quand on sait qu'elle n'a rien fait pour contrecarrer la baisse des cotisations sociales, baisse qui aujourd'hui justifie toute la barbarie des mesures promises par la majorité minoritaire (24% d'électeurs en Wallonie, tout de même). On peut regretter que la première rencontre n'ait pu en discuter avec la troisième de sa situation.

4. Devant un bâtiment officiel, nous commençons à papoter avec le gardien. Il nous raconte dans un français savoureux, presque parfait. Les horaires coupés, son dégoût de la politique politicienne après en avoir vu les pratiques, sa rage de payer des impôts pour financer un travail qu'il désapprouve, sa rage de devoir obéir, de devoir protéger des puissants.

  • Perspectives

Des complicités se redéfinissent. Les instants se partagent. Çà et là des colères, çà et là, des drapeaux d'un PS de plus en plus incongru. Puis le plaisir de voir un pays qu'on dit fini uni non autour d'une oiseuse identité collective mais pour la défense du salaire, pour la défense d'un modèle social, pour la défense de la vie ensemble, du droit au repos.

Il nous reste à souhaiter à ce pays comme à tous les autres, une bagarre non pour des emplois mais pour l'émancipation du travail de l'employeur. Nous n'avons pas besoin d'employeur pour produire.

  • Syndicats
Bien des revendications ... rien sur les chômeurs

Ce sont les syndicats qui organisaient la manifestation en front commun. Nous  nous permettons de souligner que les syndicats sont des employeurs aussi. Ce sont des structures plus ou moins baroques qui embauchent (et débauchent) des gens, des employés. En tant que telles, les syndicats ne peuvent pas être démocratiques, ils ne peuvent pas représenter les travailleurs. Quand un mandataire syndical dans une instance quelconque prétend parler au nom des travailleurs, il est sous la coupe de son employeur - c'est le syndicat qui lui envoie ses chèques tous les mois - et doit lui obéir. Mais les dirigeants syndicaux sont des patrons, abondamment payés et, surtout, proches de leurs amis les patrons, les dirigeants politiques et les chefs d'entreprises.

Ce problème est d'autant plus grave que les organes de concertation paritaires s'occupent des salaires, socialisés ou non, des travailleurs en emploi et libérés de l'emploi (les prestations chômage, la sécurité sociale) dans un cadre où se réunissent pour parler de nos salaires

- des représentants des dirigeants syndicaux qui sont des employeurs
- des représentants des chefs d'entreprise qui sont des employeurs
- des représentants des politiques qui sont des employeurs.

Bien des revendications ... rien sur les chômeurs
Pour parler de nos salaires, on ne trouve donc que des employeurs - ce qui explique pourquoi nous ne votons jamais pour des partis qui déclarent officiellement la guerre au salaire alors que nous nous retrouvons toujours avec des programmes de guerre au salaire.

Il serait peut-être temps que les salariés (dans l'emploi ou hors emploi) récupèrent la maîtrise de ce qui est à eux:

- le montant des cotisations sociales
- les éventuelles exemptions de cotisation sociale
- la gestion des prestations sociales.

Après tout, quand Elio DiRupo, Charles Michel, quand Mital ou Bouygue touchent de l'argent, personne n'a son mot à dire sur la façon dont ils les utilisent. Pourquoi n'est-ce pas le cas pour les salariés, pour la sécurité sociale?

  • Slogans pour manif nord-midi (Bastille-Nation)
Ne dites pas:
Réduction du temps de travail
Mais dites:
Travail sans employeur - sans actionnaire.
Je n'ai pas besoin de gaver un actionnaire pour travailler.


Ne dites pas:
La retraite à 60 ans
Mais dites:
Le travail libre, dès 18 ans

Ne dites pas:
Des emplois pour tous
Dites:
Du salaire pour tous
On récupère ce qui est à nous, les salaires, les usines et les bénéfs.
On décide ce qu'on fait, comment on le fait et pourquoi on le fait

Ne dites pas:
PS
Dites:
Que se vayan todos.