17 mai 2014

Les enfants orpailleurs

Au pays des hommes intègres, Souleymane KANAZOE sur le site Sidwaya (ici, en français) nous emmène chez les enfants orpailleurs, chez les enfants chercheurs d'or.

C'est le sacro-saint aiguillon de la nécessité cher aux libéraux qui contraint ces miséreux à brader leur jeunesse - sans faire valoir quelque droit social que ce soit. Reportage dans ce paradis de la concurrence libre et non faussée, paradis sans charges sociales et sans contraintes administratives, reportage dans ce paradis de l'emploi.

Extraits
Le travail des enfants sur les sites d’orpaillage au Burkina Faso entrave leur épanouissement et leur développement. A cela, s’ajoutent les conditions dangereuses auxquelles les enfants sont souvent soumis et qui affectent leur santé. En dépit des efforts du gouvernement burkinabè et de ses partenaires, les sites d’orpaillage attirent toujours de nombreux enfants. Un tour dans la région du Centre-Nord a permis de se rendre compte de l’ampleur du phénomène.
 Depuis l’avènement du boom minier au Burkina Faso il y a quelques années, de nombreux sites surtout traditionnels ont poussé comme des « champignons » sur toute l’étendue du territoire. Mais c’est surtout l’exploitation des enfants mineurs sur ces sites qui pose problème, étant donné qu’ils travaillent dans des conditions difficiles et dangereuses. En effet, l’orpaillage est considéré comme une activité à risques en raison des conditions de travail, de sécurité et d’hygiène auxquelles font face les orpailleurs, en particulier les enfants mineurs.
Le gouvernement burkinabè a entrepris de nombreuses initiatives visant la protection des enfants et surtout, la prévention du phénomène. Il a adopté le décret 2009-369/PRES/PM/MTSS/MS/MASSN, portant détermination de la liste des travaux dangereux interdits aux enfants au Burkina Faso. Cet instrument juridique complète l’engagement du pays dans la ratification des différents traités et conventions, au niveau national et international, qui visent la protection des enfants et la promotion de leurs droits. Mais force est de constater que sur le terrain, l’Etat a du mal à mettre de l’ordre dans le secteur de l’orpaillage. Le travail précoce des enfants est ainsi devenu une réalité patente sur les sites. C’est le constat que l’équipe de reportage du Carrefour Africain a fait en se rendant sur le site de Sahouia, à 30 km de la commune rurale de Korsimoro dans la province du Sanmatenga. De nombreux mineurs, aussi bien des garçons que de filles dont l’âge est compris entre 8 et 17 ans, y travaillent. Le besoin d’une force de travail à moindre coût pour l’exploitation des sites en serait la raison. Le vannage, le lavage et le concassage sont les trois activités dominantes chez les enfants, mais la descente dans les trous est aussi pratiquée, surtout par les adolescents de 15-17 ans. Des propos corroborés par le témoignage d’un orpailleur ayant requis l’anonymat qui affirme que « les enfants sont quasiment à tous les niveaux de l’extraction artisanale tels le pilage, la descente dans les galeries, le concassage, le vannage, la restauration, la vente de l’eau, le portage des minerais vers les hangars ».
Salif Sankara, 16 ans est arrivé sur le site depuis maintenant trois mois. Il dit avoir travaillé sur un autre site avant celui de Sahouia. « J’ai entendu parler du site de Sahouia et j’ai décidé de venir y travailler car j’ai des amis qui y travaillent », explique-t-il. Pourquoi travaille-t-il sur le site ? A cette question, Salif Sankara répond qu’il veut avoir l’argent pour s’offrir ce dont il a besoin dans la vie. « Avoir de l’argent, c’est vivre bien », confie-t-il avec un sourire. Quant à savoir si ses parents sont au courant qu’il travaille sur le site, il répond par l’affirmatif avant d’ajouter que ceux-ci n’y ont pas vu d’inconvénient. Comme Salif, nombreux sont les jeunes qui délaissent leurs familles pour investir les sites aurifères.
Il n’est pas rare également de voir des filles passer la journée à tamiser du sable à la recherche de la moindre trace d’or. Devant nous, deux enfants d’environ 13 ans malaxent de la boue de terre contenue dans des bassines. Debout, la main droite tenant une boite pleine d’eau tandis que la main gauche malaxe sans relâche la boue suivant une technique bien maîtrisée, à la recherche de pépites d’or. Des gestes mécaniques répétés à longueur de journée, presque sans repos. D’autres enfants travaillent sur la roche sortie des puits. Avec les mortiers fabriqués avec du matériel de récupération, ils pilent la roche et avalent de la poussière à longueur de journée. Ils n’ont ni cache-nez ni lunettes de protection.
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Les mineurs, une main d’œuvre à moindre coût
L’une des précarités à laquelle les enfants sont confrontés sur les sites d’orpaillage est l’insuffisance de revenus pour couvrir les besoins primaires. En termes de gains journaliers, la majorité des enfants travaillant sur les sites ont des revenus dérisoires au regard de la durée et des conditions de travail. En effet sur les différents sites (Sahouia et Ronguin), la majorité des mineurs affirme travailler sans véritablement savoir combien elle va percevoir comme « salaire ». Des informations font ainsi état de ce qu’en termes de revenus journaliers, des enfants percevraient moins de 1000FCFA [1,5 €] ; des gains très dérisoires au regard de la durée et des conditions de travail. Par ailleurs, une étude sur le travail des enfants dans les mines au Burkina Faso, effectuée en 2011 a montré que quatre enfants sur six qui travaillent sur les sites miniers ont des gains très dérisoires. L’étude précise également que les revenus obtenus par ces enfants en une semaine de travail qui est de l’ordre de 4500 FCFA [7 €] servaient à satisfaire leurs besoins vitaux comme se nourrir. Ainsi donc les enfants travaillent essentiellement pour satisfaire leurs besoins alimentaires.
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Par ailleurs, le travail de l’orpaillage se caractérise par une pénibilité des différentes activités au regard des faibles capacités et d’endurance physique des enfants. Ceux-ci sont utilisés aussi dans le creusage des puits de profondeur variable et reliés par des galeries. Le risque d’éboulement y est très élevé. Ils sont dépourvus de système de ventilation et ils y descendent à l’aide d’une corde attachée du dehors à un piquet de fer coincé entre des sacs de terre superposés. La nourriture leur est envoyée à l’aide de cette corde. Ils travaillent accroupis avec pioches et barres de fer et une torche fixée au front, ils morcellent les roches avant de les envoyer à l’extérieur par la même corde. Pour communiquer avec l’extérieur, on transmet le message par personne interposée de manière verticale. Selon certaines informations recueillies sur place, dans les galeries, on peut passer des heures sans voir le jour. Le travail dans les galeries est ardu et se fait au péril de la vie. Les activités y sont diversifiées. Il y a ceux qui posent les dynamites, un travail réservé aux plus courageux. En outre, les orpailleurs qui parviennent à trouver de l’or se comptent sur le bout des doigts. Qu’à cela ne tienne, les chercheurs d’or s’esquintent. Ils respirent la poussière, la fumée, l’odeur des produits chimiques. Sur le site d’orpaillage de Ronguin (province du Bam) dans la commune de Sabcé, il est impressionnant de voir des enfants d’à peine une dizaine d’années.