24 déc. 2014

Des travailleurs chocolat bleu pâle

Simon Gouin fait le bilan de l'industrie du chocolat en cette période de fin d'année sur le site de Basta. L'industrie du chocolat ne gâte pas plus les travailleurs et les populations locales que ne le fait l'industrie des accessoires de noël en Chine. Des régions entières voient leurs ressources disparaître; les producteurs voient leurs conditions de travail sombrer dans la barbarie.

Extrait de l'article disponible ici

Le chocolat ou la forêt

Le premier défi est environnemental. La culture du cacao se fait au détriment de la forêt. Les coûts de production sont élevés : il faut du temps, de la main d’œuvre, un enrichissement des sols. Après une vingtaine d’années d’exploitation, une fois les cacaoyers épuisés, les paysans se tournent vers de nouvelles terres. Sous la forêt, le sol est encore fertile. 14 millions d’hectares auraient été coupés en Côte d’Ivoire pour y planter de nouveaux cacaoyers, soit l’équivalent de quatre grandes régions françaises. Un rapport du Programme des Nations Unies pour le développement estime que pour maintenir la production actuelle, il faudrait raser environ 6 millions d’hectares supplémentaires dans les prochaines années. Les forêts du Cameroun sont convoitées. Celles du Vietnam et d’Indonésie aussi.
A cela s’ajoute un défi social. Depuis 1950, le prix du cacao n’a cessé de baisser. « Aujourd’hui, le cacao ne vaut même plus la moitié de ce qu’il valait il y a trente ans », note la Déclaration de Berne. Face à des revenus toujours plus faibles, nombreux sont les producteurs de Côte d’Ivoire, d’où vient 40% du cacao mondial, à se diriger vers d’autres métiers ou à abandonner leur terre. « Les familles devraient en moyenne gagner dix fois plus qu’aujourd’hui pour atteindre le seuil de pauvreté », estime la Déclaration de Berne à propos de la Côte d’Ivoire. Des prix bas, très bas, mais aussi très fluctuants. « Le prix peut descendre de 30% du jour au lendemain comme à l’automne 2011 », explique Christophe Alliot, du Bureau d’Analyse Sociétale pour une Information Citoyenne (Basic). Cette variation entraîne une forte incertitude pour des paysans qui sont désormais touchés par les aléas du changement climatique.

230 000 enfants dans les plantations 

La culture du cacao manque de paysans. Malgré l’utilisation d’insecticides, de fongicides et d’engrais, le cacao nécessite beaucoup de main d’œuvre, que les machines ne peuvent remplacer. Qui assure une partie du travail ? Les enfants. En 2009, on estimait qu’ils étaient environ 230 000 à travailler dans les plantations de Côte d’Ivoire et du Ghana. 15 000 seraient des enfants esclaves. Forcés à travailler le jour. Enfermés la nuit pour éviter qu’ils ne s’échappent.
Au début des années 2000, cette question du travail des enfants a mobilisé les opinions internationales. Les États-Unis ont mis en place le protocole Harkin Engel, du nom de deux de leurs représentants. L’objectif : obliger l’industrie du chocolat à agir pour supprimer le travail des enfants d’ici 2005. Mais l’accord est volontaire et non-contraignant. Le délai est finalement prolongé. Les déclarations se suivent ; les actes se font attendre. En 2014, le travail des enfants est toujours une réalité dans les plantations d’Afrique de l’Ouest. Pourquoi un tel échec ? « Le problème reste économique et social, estime Christophe Alliot. Tant que les familles de paysans n’ont pas de quoi vivre, le travail forcé des enfants est un fléau très difficile à endiguer. »