Extrait de cet anti-monde (ici en accès libre, en français)
Dans la réalité, KidzMondo se présente sous la forme d’un mall, un hangar de dix mille trois cents mètres carrés sur deux niveaux, avec air conditionné et lumière artificielle. Ses guichets d’entrée imitent l’enregistrement d’un aéroport. Afin de rassurer les parents, les visiteurs « au cœur pur » sont munis d’un bracelet de radio-identification (radio-frequency identification, RFID) qu’ils ne peuvent pas enlever eux-mêmes. Le parc est aussi équipé de deux cent cinquante caméras de vidéosurveillance. Une fois passé le portique de sécurité, on découvre une ville reconstituée à une échelle d’enfant, à 70 % de la taille normale, de la façon « la plus réaliste possible », nous explique Mme Mirna Souaid, responsable du marketing et des événements.
Première étape de la visite : un passage à la banque Audi — la plus grande banque du Liban, partenaire du projet. Là, les enfants peuvent choisir soit de déposer sur leur compte leur chèque de bienvenue de 50 kidlars (la monnaie fictive du parc), soit de l’encaisser. Ils disposent aussi d’une carte de crédit à leur nom, le tout visant à leur enseigner la « responsabilité financière ». Afin d’étoffer ce pactole, ils s’égailleront ensuite parmi les quatre-vingts activités proposées, dont une soixantaine sponsorisées. Ils deviendront ainsi tour à tour, et très brièvement, embouteilleurs chez Pepsi-Cola, dentistes sous les auspices de Colgate, employés dans la restauration chez Burger King, boulangers chez Pain d’Or, pâtissiers chez Dunkin’ Donuts, journalistes avec la filiale locale de MTV ou de NRJ, ou encore chirurgiens, pilotes de course, artistes, acteurs, mannequins, disc-jockeys… Les attractions comprennent même une faculté, conçue avec l’Université américaine de Beyrouth. Pas encore ouverte lors de notre passage, elle délivre un diplôme qui permet d’être ensuite payé davantage dans les autres activités.
Car à chaque poste, on reçoit un salaire que l’on peut ensuite aller dépenser dans une boutique de gadgets à l’entrée du parc. « Ici, seuls les kidlars sont acceptés, commente Mme Souaid. Parfois, certains veulent payer en dollars ou en livres libanaises, et alors nous leur répondons : “Non, si tu veux ce jouet, tu dois d’abord travailler.” C’est là que notre vocation éducative devient évidente. » Car tel est l’objet de KidzMondo : apprendre aux enfants que « l’argent ne pousse pas sur les arbres ».