Qu'à cela ne tienne, comme nous aimons partager notre ignorance, nous avons pleins d'idées pour la coalition kamikaze qui est candidate au pouvoir dans le plat pays.
Soit on suit une logique employiste. Il faut sauver l'emploi à tout prix. Pour prendre le seul exemple du lait, il faut combler les 20 millions d'€ d'exportation annuelle vers Moscou (voir ici). Si le lait n'est pas acheté par les autorités, les prix du lait vont s'effondrer: le marché interne du lait sera submergé, il y aura trop d'offre par rapport à la demande. Il faut donc que les autorités belges (c'est-à-dire le contribuable belge) achète le lait que les Russes n'achèteront plus. Ce lait sera détruit ou jeté dans la Meuse - peu importe - mais, en tout cas, il sera retiré du marché.
Les Belges vont donc payer des impôts pour acheter du lait afin de maintenir le prix du lait. Ils vont payer des impôts pour augmenter artificiellement le prix du lait, pour jeter le lait dans la Meuse. Ce n'est assurément pas très libéral et a un petit arrière-goût soviétique mais quand on aime l'emploi, on ne compte pas.
La politique employiste est d'autant plus déplacée qu'elle intervient au moment où les quotas européens sur le lait vont être abrogés (ce sera en mars prochain). Les quotas laitiers limitent la production de lait (par exploitation, par région) pour éviter que les cours ne s'effondrent. Pour pouvoir maintenir le travail productiviste, il faut payer de l'argent aux paysans pour qu'ils ne produisent pas plus que les quotas auxquels ils ont droit. Les quotas sont liés aux exploitations agricoles, ils dépendent de la taille des exploitations et sont inclus dans le prix du rachat en cas de changement de propriétaire. Ces quotas peuvent aussi être vendus à des tiers, indépendamment de la terre et font l'objet alors d'une spéculation: ils sont rachetés pour les primes qu'ils permettent de toucher et ensuite, ils sont loués à des paysans par leur propriétaires pour ne pas disparaître: un quota inutilisé se perd.
Interlude: les salaires des Russes qui achètent le lait soutiennent les producteurs de lait belges. Les salaires des Russes qui disparaissent sont une mauvaise nouvelle pour les producteurs mais les salaires belges n'auraient rien à voir avec les salaires russes selon la majorité puisqu'elle est décidée à sabrer les salaires sociaux et à faire tout ce qu'elle peut pour "renforcer la compétitivité", pour diminuer les salaires.
Nous allons maintenant voir l'option salariale. Si nous garantissons un salaire aux paysans en fonction de leur qualification (et non de leur production), nous avons une petite chance pour qu'ils se tournent vers une agriculture à débouché plutôt que vers une agriculture subventionnée qui doit terminer dans la Meuse.
Les paysans salariés auront intérêt à avoir des exploitations les plus petites possibles pour avoir moins de travail et pour pouvoir travailler mieux, dans de meilleures conditions, à les gérer selon leurs affinités, en respectant leur temps, leurs aspirations éthiques, leur rapport à la nature.
Nous nous retrouverons avec (beaucoup) plus de fermes dont la production sera orientée vers les marchés locaux. La production de lait risque de s'adapter à la demande interne. Les prix seront indépendants des agriculteurs, ils ne seront pas non plus subventionnés (ce qui fera une agriculture beaucoup plus honnête en termes libéraux). Au lieu de payer des impôts pour acheter du lait plus cher, les Belges payeront le lait à son prix et, inclus dans ce prix, il y aura la valeur des salaires paysans mais, dans ce prix, il ne faudra plus inclure les rémunérations indues des propriétaires lucratifs.
Peut-être que la coalition nationalisto-libéralo-suédo-kamikaze qui représente tout de même près de 27% des Wallons serait quelque peu effrayée par la logique de fonctionnement des marchandises à prix, du marché pour s'y confier en optant pour l'option salariale?
En tout cas, le chiffre de 20 millions d'€ d'exportations wallonnes annuelles vers la seule Russie est à comparer avec l'inquiétant chiffre de 20 mille exploitations agricoles survivant. Le salaire agricole ne reviendrait décidément pas beaucoup plus cher que la fidélité à la ligne diplomatique européenne.
Annexe:
3 août 2014 Communiqué de presse MIG/EMB (European Milk Board) concernant l’Embargo Russe .Depuis des années, le MIG/EMB plaide pour une régulation des productions à l’intérieur du marché Européen. Avec l’appui de la politique Européenne de plus en plus tournée vers un marché mondial ultra libéral, nos laiteries jouent quant à elle la carte de l’exportation et appellent les producteurs à produire de plus en plus tout en laissant des parts de marché intérieur aux produits de moindre qualité et importés. Nous avons prévenu à maintes reprises des risques énormes liés à cette politique néfaste aussi bien pour le producteur que pour le consommateur.
Depuis le démantèlement des quotas et l’ouverture des marchés, nous avons subi, durant ces 5 dernières années, 2 crises catastrophiques ; la troisième nous arrive de plein front.De plus, tous les surplus vont être exportés avec subvention dans des pays tiers, détruisant leur marché et leur production.Il n'y a pas que nous, tous les secteurs de la production alimentaire sont dupés. Combien d ‘emplois en agriculture et dans les secteurs annexes allons nous accepter de perdre avant de changer de politique ? Et dans les assiettes des consommateurs : OGM, poulets au chlore, viandes aux hormones importées ... jusqu'où ira ce nivellement par le bas ?Il y a maintenant un peu plus d'un an, le MIG prenait, avec Constituante.be, l'initiative de lancer l’alliance D19-20, qui réunit déjà plus de 60 organisations citoyennes, syndicales, environnementalistes ... pour une lutte commune contre les traités d’austérité et de libre échange, qui ne remplissent les poches que des actionnaires des multinationales laissant les risques à 99% de la population et à l’ensemble de la planète. Cette alliance a 2 actions fortes à son actif, en décembre 2013 et mai 2014. Cette dernière, on ne peut plus pacifique, dénonçait les relations ambigües entre le politique et le lobby des multinationales célébrées lors de leur grand messe : Le Business Summit . Elle s’est soldée par plus de 300 arrestations de jeunes, de travailleurs, de pensionnés … sur l’ordre de qui ? Nous ne le savons toujours pas.Nous appelons les médias à prendre leur responsabilité d’informateurs indépendants pour éclairer les citoyens sur les risques d’une politique Européenne de moins en moins soucieuse de ses citoyens et aux citoyens de se réveiller: Mieux vaut se battre pour une politique juste que contre des armes.