17 déc. 2014

Mouvement dans la restauration rapide

David Moberg est traduit dans Terrains de Luttes (ici, en français). Il fait le point sur l'extraordinaire mouvement dans la restauration rapide aux États-Unis. Les employés font montre d'une persévérance, d'un courage impressionnants.

Ils luttent pour les salaires, pour l'amélioration des conditions de travail et pour la reconnaissance de leur valeur humaine.

La nôtre leur est acquise.

Extrait

Depuis novembre 2012, le mouvement des employé-e-s précaires des fast-foods américains n’a cessé de grossir : New York et Chicago, d’abord, puis une soixantaine de villes en août 2013, et près de 190 ce mois-ci. Il ne s’agit pas seulement d’une reprise des luttes au cœur même de la principale puissance impérialiste, mais de la démonstration que les luttes dans les secteurs précaires sont possibles. Sans surprise, les journalistes hexagonaux n’ont guère prêté attention à ce phénomène. Terrains de luttes continue donc son travail de documentation de ce mouvement en pleine croissance en traduisant un article du journaliste David Moberg, publié sur le site étatsunien In These Times.

Deux ans après la grève des employé-e-s de fast-foods new-yorkais, en lutte pour un salaire de 15 $ de l’heure et le droit de se syndiquer, le mouvement a tellement grossi qu’il est méconnaissable. Chacun a pu s’en apercevoir le 4 décembre dernier : selon des organisateurs, des travailleurs/euses des fast-foods se sont mis en grève dans près de 190 villes – une affluence record.

Qui plus est, dans la mesure où la campagne « Fight for 15 » est apparue dans un contexte de baisse continue des salaires pour la plupart des Américain-e-s, les revendications des travailleurs/euses ont déclenché de nouvelles campagnes unitaires, qui obtiennent des augmentations du salaire minimum bien supérieures à tout ce qui aurait pu être imaginé dans nombre d’États et de localités. Des militants affirment que c’est en grande partie grâce à cette campagne en pleine expansion que près de 7 millions de travailleurs ont vu leur salaire augmenter de manière significative.

Mais le recours à l’action directe, et notamment, depuis l’année dernière, à des actions de désobéissance civile qui font désormais partie du répertoire de nombreuses manifestations et grèves, a également encourage les travailleurs/euses d’autres secteurs à rejoindre le mouvement, en particulier les employé-e-s précaires des services, qui occupent dans le marché du travail des positions globalement interchangeables.

Ainsi, selon des militants, alors que des travailleurs/euses de l’énorme Rock’n Roll McDonald’s, situé en plein cœur de Chicago, se sont mis en grève au cours des actions d’aujourd’hui [4 décembre], l’employé de l’épicerie d’une station-service BP voisine, qui avait déjà assisté à ce genre de manifestations, est sorti du magasin pour rejoindre les grévistes. A travers tout le pays, des militants affirment que des cuisiniers/ères et des caissiers/ères de fast-foods ont été rejoints non seulement par des employé-e-s d’épiceries, mais aussi des aides à domicile, des personnels au sol dans des aéroports, des employés de Walmart et d’autres magasins hard-discount, des fonctionnaires fédéraux et mêmes quelques « maîtres auxiliaires » (adjunct professors) de l’enseignement supérieur.

Par ailleurs, le ton des manifestations a quelque peu changé. Alors que de nombreux/ses travailleurs/euses hésitent encore à rejoindre la lutte, de peur de perdre leur emploi même si celui-ci est précaire et mal payé, la campagne, en s’assurant le soutien des « communautés » pour protéger les grévistes des licenciements, a « donné la preuve aux travailleurs/euses new-yorkais que les managers devraient composer avec la communauté », explique Kendall Fells, le directeur de la campagne Fast Food Forward à New-York. (La campagne n’a pas le même nom selon les villes : elle s’appelle Fast Food Forward à New-York, mais Fight for 15 à Chicago, où elle est coordonnée par un syndicat indépendant, le Workers Organizing Committee of Chicago.) Quant aux manifestants, ils semblent tout aussi susceptibles d’insister sur le droit à se syndiquer que de mettre en avant l’objectif évidemment très populaire d’obtenir un salaire de 15 $ de l’heure et des semaines de 40 heures.

Le plus important, c’est ce sentiment d’espoir et de puissance qui semble habiter le mouvement. « Il est impossible de survivre avec le salaire qu’on reçoit », dénonce Dora Peña, une grand-mère de 56 ans qui travaille dans un McDo de Chicago depuis 8 ans (et dont l’une des filles travaille dans un autre restaurant de la chaîne). En effet, les employé-e-s des fast-foods reçoivent 7 milliards de dollars par an d’aides fédérales pour survivre (dans les faits, il s’agit d’une subvention que paie le contribuable à des entreprises qui dégagent d’énormes profits et dont les cadres dirigeants gagnent 1 200 fois plus que les salarié-e-s moyen-ne-s).