Monsieur le ministre
À
quelques jours de l'exclusion de masse des chômeurs belge de leur
légitime (et trop faible) salaire, l'association pour l'abrogation de
l'article 63§2 écrit une lettre au ministre. N'hésitez pas à vous en
inspirez, si vous souhaitez écrire pour les fêtes à qui de droit - les
infos se trouvent sur leur site à qui l'ont doit aussi les très belles illustrations de la lettre.
Monsieur le Ministre,
Vous ne l'ignorez pas, en vertu de l'art 63§2 et suivants, dans deux
à trois semaines environ, des milliers de personnes et leurs familles
risquent fort de se retrouver boutées hors de tout droit aux allocations
de chômage dites d'insertion.
Pour elles, des femmes dans leur
extrême majorité, mères d'un ou plusieurs enfants bien souvent, cette
situation s'avérerait gravissime. Nous vous demandons de décider
d'urgence, avec l'accord du gouvernement, d’un moratoire sur
l'application de cette réglementation, à savoir l'article 63§2 et
suivants de l'arrêté royal de novembre 1991 portant sur la
réglementation du chômage, et ce avant qu'il ne prenne ses effets
désastreux le 1er janvier 2015.
En effet, l'application d'une
telle mesure ne nous paraît pas légitime. Elle va sanctionner des
milliers de gens pour n'avoir pas trouvé suffisamment de jours de
travail dans un délai de référence donné alors qu'elles auront subi,
avec sanction positive, plusieurs contrôles semestriels successifs
auprès de l'Onem concernant l'activation de leur comportement de
recherche d'emploi.
De plus, pouvez-vous considérer comme
légitime que l'on prive ces personnes de leurs allocations pour une «
trop faible intensité de travail » alors que le contexte structurel de
manque d'offres d'emploi est plus qu'évident eu égard au nombre de
demandeurs ? Selon nos calculs et les sources officielles publiées par
les CPAS, le Forem et l'Onem dans leurs rapports annuels, nous
atteignons près d'un million de personnes, toutes catégories confondues,
alors que le VDAB, le Forem et Actiris répertorient ensemble entre 30
et 40 000 offres d'emplois maximum chaque mois, dont de nombreux emplois
à temps partiels, des intérims ou contrats à durée limitée souvent très
courte, voire de plus en plus des contrats « d'emploi » sous statut
d'indépendant. Bref autant d'offres n'ouvrant pas la possibilité de
quitter le système des allocations d'insertion au profit d'un accès au
système d'allocation de chômage proprement dit, ou de quitter
définitivement le chômage pour un emploi durable digne de ce nom.
Cette mesure est illégitime selon nous, mais elle est aussi impossible à
assumer correctement dans la pratique. Les CPAS s'avèrent manifestement
insuffisamment armés, tant financièrement que techniquement et
professionnellement (manque de personnel, à financer sur fonds propres),
pour faire face à l'afflux de demandes qui vont légitimement leur
arriver. Il est à craindre, surtout dans les communes où
l’appauvrissement est intense, que des CPAS, pour s'en sortir, aient
recours à des refus d’aides pourtant justifiées, cela conduisant non
seulement à des injustices inacceptables mais également à des
engorgements dans les tribunaux du travail suite aux recours juridiques
déposés par des centaines voire des milliers de personnes injustement
déboutées de leur ultime droit à la protection sociale, et à une
multiplication de demandes d’auditions en conseil de l’action sociale
tel que le droit le prévoit.
L'Onem lui-même a manifestement
difficile de faire face à la complexité de la situation. Des dizaines de
témoignages nous sont déjà revenus de personnes à qui l'Onem a fait
connaître qu'elles perdront leur droit au 1er janvier alors par exemple
qu'elles sont légalement en mesure de le prolonger, notamment via le «
droit additionnel » dont elles ignorent l'existence à quelques jours de
leur possible exclusion. N'y a-t-il pas là un manque juridiquement
contestable à l'égard de l'Onem en terme de devoir d'information ?
Ajoutons encore que les Services régionaux de l’emploi n’ont pas encore
eu l’opportunité de rencontrer l’ensemble des allocataires d’insertion
menacés, dans le cadre de l’accompagnement individualisé. Ces services
n’ont donc eu ni l’opportunité d’identifier l’ensemble de ceux qui
pourraient « relever » de la catégorie « MMPP » ni, le cas échéant, de
leur proposer un trajet d’accompagnement spécifique. Dans ce cadre-ci
aussi, certains citoyens pourraient bien ne pas bénéficier d’un droit
accordé par le législateur et auquel ils pourraient prétendre.
Qu'il n'y ait pas de méprise. Nous continuons fondamentalement de
revendiquer une abrogation pure et simple de cette réglementation. C'est
pourquoi d'ailleurs nous avons adhéré au réseau Stop Art.63§2. Mais
dans l'urgence, nous vous demandons de décréter un moratoire sur
l'application de cet article 63§2 et suivants. Une telle décision, dans
un climat social extrêmement tendu, constituerait un signe positif de
votre volonté réelle d'ouvrir ce dialogue auquel vous vous êtes
publiquement engagé, avec la société civile et avec les organisations
syndicales.
Veuillez recevoir, Monsieur le Ministre, l'expression de nos sentiments les meilleurs.