30 oct. 2014

Union Busting

Un article de Terrains de Lutte traduit une étude d'Elmar Wigand et Werner Rügemer ici (en français).

Cette étude définit l'union busting comme

l’application ciblée et la combinaison modulaire de pratiques visant à interdire, à contourner, ou encore à empêcher et entraver le développement d’une organisation et d’une représentation des intérêts indépendante du patronat, au sein d’une entreprise, d’une branche ou d’un État.
L’union busting est utilisé aussi bien pour attaquer le statu quo actuel en termes de collectivité, de cogestion et de protection légale des salariés, que pour tuer dans l’œuf au maximum les efforts d’organisation des salariés. Pour ce faire, les mesures fréquemment utilisées contre les personnalités influentes parmi le personnel, et plus particulièrement les membres des institutions représentatives ou des syndicats ont pour objectif de les discréditer, de les isoler, de les licencier. A cela s’ajoutent des mesures directes, visant à entraver les possibilités d’organisation des salariés et à mettre en cause dans leur ensemble la légitimité des grèves, des conseils d’entreprise et des syndicats. L’objectif de tous ces efforts, c’est d’obtenir la plus grande liberté organisationnelle possible dans l’utilisation du travail humain.
Extrait de l'étude (disponible en ligne en intégralité)

La lutte antisyndicale, une activité professionnelle aux États-Unis

Autour de l’activité union busting (lutte antisyndicale), il existe aux États-Unis depuis la fin du 19eme siècle une branche professionnelle qui a connu une seconde jeunesse à partir des années 1970. Les activités – hautement rémunérées – de conseil, de représentation juridique et de coaching de ces agences et cabinets spécialisés dans le contournement des syndicats ont joué un rôle non-négligeable dans la défaite dramatique qu’ont connu le mouvement syndical et plus largement le mouvement ouvrier après la Seconde guerre mondiale. Avec la mondialisation, les pratiques antisyndicales se sont élargies à d’autres pays, par exemple en Allemagne. Le transfert de savoir-faire est passé par différents canaux.

L’union busting, une composante des réseaux professionnels en Allemagne

Au cours de la dernière décennie, de nombreux réseaux connectés entre eux sont apparus en Allemagne, dans lesquels des agents spécialisés ont développé leurs services et les ont proposés aux directions d’entreprise. On trouve dans ces réseaux des universités, dans lesquelles sont formés des juristes et des économistes, de petits et de grands cabinets d’avocats, allemands comme américains, des conseillers en stratégie d’entreprise, des avocats spécialisés en droit de la presse, des agences de relations publiques, des fondations, des détectives d’entreprises, des instituts universitaires financés par des fonds patronaux, des institutions traitant des relations professionnelles et des ressources humaines, des syndicats “jaunes” et des unions patronales.

Créer des zones sans conseil d’entreprise

Un effort essentiel de la lutte antisyndicale en Allemagne consiste à libérer les entreprises et les consortiums des conseils d’entreprise, et à maintenir le statu quo là où ils n’existent pas. Cette attaque contre les conseils d’entreprise découle de la législation contre les licenciements, dont les membres élus des conseils d’entreprise bénéficient, ainsi que la réduction des possibilités données par la loi aux syndicalistes de s’immiscer dans la liberté d’organisation de l’employeur. Par ailleurs, on trouve la plupart du temps dans ces conseils d’entreprise des représentants marquants et expérimentés des intérêts des salariés, qui en cas de conflit peuvent se révéler de sérieux adversaires de la direction

Construire des majorités pro-patronales

Lorsqu’il est impossible d’empêcher la mise en place d’un conseil d’entreprise, ou bien si le fait de s’y opposer semble inopportun, alors l’élection de conseils d’entreprises pilotés par le management ou encore la constitution d’une majorité pro-patronale au sein des institutions représentatives devient l’objectif du démolisseur de syndicats. Bien souvent, un conseil d’entreprise se trouve dans la ligne de mire lorsqu’il se montre très actif dans la défense des intérêts des salariés. Dans de tels cas, cela démontre combien la simple présence d’un conseil d’entreprise ne témoigne en rien de la qualité de la cogestion au sein de l’entreprise. Les frontières sont souvent mouvantes entre conseils d’entreprise au service des salariés et conseils d’entreprises pro-patronaux, notamment via les autres formes de représentation du personnel – par exemple par le biais d’autres organes de représentation. Les directions d’entreprise s’attachent par ailleurs à changer progressivement la composition des conseils d’entreprise conformément à leurs intérêts.