Le Monde partage un reportage multimédia poignant sur l'évolution socio-économique du pays des yourtes (ici en accès libre). L'activité minière en plein boom fait exploser les prix ce qui pousse les habitants dans la misère - et les oblige à se vendre à la mine - et saccage les ressources traditionnelles des nomades.
Le fort taux de chômage et l’augmentation du coût de la vie induisent comme partout une économie parallèle. Les activités clandestines se multiplient, le système D se généralise, permettant à de nombreuses familles d’assurer leur survie dans ce pays où un tiers de la population vit en-dessous du seuil de pauvreté.
Pour vous allécher, nous vous transcrivons l'introduction de ce reportage de Olivier Laban-Mattei, Anaïs Jumel, Antonin Lechat et Coralie Griell (les illustrations sont issues d'autres sources).
Non, la Mongolie n’est pas cette terre bénie des dieux annoncée comme providentielle, promise à quiconque voudrait y chercher fortune. L’exploitation, récente et intensive, des grandes richesses minières du sous-sol, même si elle apporte d’importants revenus au pays, accentue les inégalités sociales et génère de graves déséquilibres environnementaux et sanitaires. Les maladies liées à la pollution de l’air, de l’eau et des sols, à l’insalubrité prolifèrent à un rythme effrayant, mais restent niées des autorités, qui s’acharnent à donner une image lissée du nouveau modèle mongol pour attirer investisseurs et touristes.
Depuis la chute du régime communiste et l’accession de la Mongolie à la démocratie et à l’économie de marché en 1992, de nombreuses structures publiques se sont effondrées. L’agonie du système de santé et la décrépitude du système éducatif sont représentatives du désintérêt de l’Etat à porter une politique de développement cohérente et durable. La corruption gangrène chaque strate de la société. Parfois très organisée, comme dans les hautes sphères décisionnelles où les enjeux miniers font la fortune des nantis, elle est aussi, au sein des classes moyennes, une façon de survivre et de pallier la faiblesse des salaires. Paradoxalement, à mesure que les capitaux des entreprises minières enrichissent le pays, la pauvreté progresse et s’installe durablement en ville comme en steppe, où la promesse d’une répartition des profits reste lettre morte.
L’exode rural commencé à l’orée du XXIe siècle dans ce pays immense, composé à 30 % de nomades et qui a la plus faible densité de population au monde (1,7 habitant au km2), continue d’étouffer Oulan-Bator, devenue la capitale la plus polluée de la planète. Dans les campagnes, le pastoralisme traditionnel se voit remplacé par un élevage intensif, dont la conséquence directe est la désertification de vallées entières.
La Mongolie est aujourd’hui face à un défi majeur, celui de la gestion durable d’un cadeau empoisonné, ces ressources minières dont l’exploitation menace l’équilibre d’une société fragile, et place son écosystème en péril. D’Oulan-Bator au désert de Gobi en passant par ses steppes infinies, de ces chirurgiens démunis aux orpailleurs clandestins surnommés les « ninjas », voyage dans l’envers du décor d’un pays au bord du gouffre, là où la carte postale se regarde en noir et blanc.



