12 août 2014

Travail obligatoire ... en Biélorussie

Le petit monde politico-médiatique s'agite pour dénoncer les "profiteurs" que sont les chômeurs. Nous dénonçons, bien sûr, ce point de vue producériste et employiste. Pour nous, le travail économique parasite le travail concret - c'est le domestique qui permet à l'employé de pouvoir tenir - et, dans le travail économique abstrait, c'est la rente qui parasite le salaire. Or le chômage (ou les retraites et les pensions) sont des salaires du point de vue économique.

Mais comme nous ne sommes pas chiens, après avoir exploré le Hartz IV, la mise au travail obligatoire des chômeurs allemand, après avoir découvert les charmes de la Hongrie employiste, après avoir goûté la saveur des contrats Zero hours anglais, après nous être perdu dans le modèle politique de la coalition à venir, la Corée du Nord, nous vous avons emmenés en Érythrée où, qu'on le veuille ou non, on bosse de force. Bien sûr les jeunes fuient le pays mais ce n'est pas grave: l'armée les fait travailler de force.

Ah, le producérisme ... Au XIXe siècle, on aurait parlé de l'immoralité, de la paresse naturelle des classes laborieuses - et même de leurs enfants. Au XXIe, les libéraux se bornent à qualifier de "parasites" les travailleurs sans emploi. Sans doute ont-ils peur de la qualité (et de la quantité) de travail abstrait (leur salaire) et concret (ce qu'ils font) qu'ils produisent effectivement. La comparaison avec ce que l'emploi produit comme misère et comme gadgets obsolescents, comme maladies mentales risque fort de tourner au désavantage du modèle libéral. Las, libéral pour libéral, libéralisons jusqu'au bout. Dépassons les scandaleux projets de la coalition kamikaze belge de faire travailler de manière obligatoire les chômeurs de longue durée et faisons le tour des dictatures où l'emploi est officiellement pénible - c'est-à-dire obligatoire, contraint et contrôlé.

Aujourd'hui, c'est la Biélorussie que nous vous faisons découvrir. Nous reprenons des extraits de l'article de Alexander Yaroshuk dans Equaltimes (ici, en français).

La Fédération Internationale des Droits de l’Homme (FIDH) a récemment publié un rapport sur le Bélarus, où elle fait état de la situation du travail, des droits sociaux, économiques et syndicaux dans un pays qui est parfois décrit comme « la dernière dictature d’Europe ».
Parmi ses révélations les plus accablantes, le rapport indique que le gouvernement force une grande partie de la population à travailler sans rémunération, notamment dans les secteurs de l’agriculture et de la construction.

(...)
En 1999, le président Loukachenko a édicté le Décret nº 29, en vertu duquel les employeurs étaient tenus de convertir tous les contrats de travail en contrats à durée déterminée (CDD) ; un fait sans précédent dans les annales du mouvement syndical.
Le décret a, de fait, annulé l’article du code du travail qui interdisait l’élaboration de contrats temporaires pour toute personne occupant un poste permanent.
Il entrait également en contradiction avec l’un des postulats qui forment l’action de l’Organisation Internationale du Travail (OIT), à savoir la lutte pour l’emploi permanent universel.
(...)
Des dizaines de milliers de travailleurs sont descendus dans les rues et ont réussi à bloquer la promulgation du Décret nº 29 par le régime en place.
(...)
Le Bélarus n’a pas échappé à la règle. En 2002, après des années de pressions soutenues, la FTUB est passée sous contrôle du gouvernement [elle est devenue un syndicat officiel, gouvernemental] et, entre 2003 et 2004, près de 90 % de tous les travailleurs du pays sont passés sous CDD.

(...) Une personne travaillant sous des conditions d’emploi temporaire n’est pas autorisée à démissionner avant la fin de son contrat, même si cette personne trouve un emploi plus intéressant et convenable ailleurs. 
Il y a un mois environ, le président Loukachenko a donné l’ordre aux syndicats contrôlés par l’État (...), de convertir la totalité des contrats du secteur public, sans exception, vers ce type de contrat.
Étant donné que 98 % de tous les effectifs sont affiliés à la FTUB (la plupart sous la contrainte), on serait en droit d’affirmer qu’au Bélarus, une modalité d’emploi apparemment civilisée comme le contrat à durée déterminée, équivaut en réalité à du travail forcé.
(...) 
Nous n’avons guère été surpris quand le régime au pouvoir a encore plus aggravé la situation il y a un an, le 7 décembre 2012, avec un autre décret présidentiel qui, cette fois, interdit la démission des ouvriers de l’industrie du traitement du bois.
Le travail forcé dans notre pays n’est donc plus seulement de facto mais aussi de jure.