Selon Fanny Doumayrou, dans le Monde Diplomatique de décembre 2012 (voir
ici, en français), la casse de l'inspection du travail compromet une des dernières digues du droit dans l'entreprise, du droit des employés contre la toute-puissance des employeurs. Extrait
En
juin 2012, Dassault a été condamné pour discrimination syndicale à
l’égard de dix-sept salariés de son usine de Biarritz, qui n’ont pas eu
une évolution de carrière normale. Le procès a abouti en partie grâce à
l’enquête de l’inspection du travail. Un exemple des missions
qu’accomplit ce corps de fonctionnaires détesté par le patronat et
repris en main par le pouvoir.
C’était l’un des engagements du Parti socialiste au cours de la
campagne électorale de M. François Hollande, au printemps 2012 : si elle
revenait aux affaires, la gauche procéderait à l’« arrêt immédiat des suppressions de postes » à l’inspection du travail et redonnerait à celle-ci « les moyens et le sens d’une mission de service public ».
La promesse faisait suite à une manifestation d’inspecteurs du travail,
le 7 février 2012, après le suicide d’un de leurs collègues d’Arras,
Romain Lecoustre, retrouvé pendu à son domicile trois semaines plus tôt.
En mai 2011, déjà, Luc Béal-Rainaldy, secrétaire national du Syndicat
national unitaire - Travail, emploi, formation, économie (SNU-TEFE) de
la Fédération syndicale unitaire (FSU), s’était donné la mort en se
jetant dans la cage d’escalier du ministère du travail.
La fragilisation du monde du travail n’a pas épargné l’institution censée représenter la « dernière digue »
pour les salariés. En 2004, deux de ses membres avaient été abattus par
un agriculteur lors d’un contrôle à Saussignac, en Dordogne.
Ces meurtres, les premiers du genre, actualisaient une menace
extérieure historique : celle d’un patronat rétif à l’intrusion du
contrôle dans la sphère privée de l’entreprise. Les suicides marquent
l’avènement d’une autre menace, intérieure, celle-là, générée par les
réformes qui malmènent la profession depuis plusieurs années.
« Cette dégradation nous prend par
surprise. Nous étions tellement habitués à voir défiler des salariés qui
allaient mal qu’on n’a peut-être pas fait attention à ce qui se passait
chez nous », confesse M. Pierre Joanny,
inspecteur du travail dans le Nord depuis 1986 et ancien secrétaire
national du syndicat Solidaires, unitaires, démocratiques (SUD)
travail - affaires sociales. La déréliction qui frappe ce corps de
fonctionnaires s’explique en premier lieu par l’injonction paradoxale
qui fonde sa mission : maintenir dans les clous du code du travail des
chefs d’entreprise que les gouvernements encouragent par ailleurs à
prendre leurs aises ; offrir un garde-fou
contre l’exploitation, mais sans jamais recevoir de l’Etat, également
garant de la liberté d’entreprendre, les moyens d’assurer une réelle
protection des salariés.