Mate Ćosić dans le Courrier des Balkans (
ici, en français) nous emmène en Croatie, à Zadar. La ville industrielle s'est transformée en ville touristique avec des emplois précaires et mal payés. Extrait
Fleuron industriel à l’époque yougoslave, la ville de
Zadar est désormais entièrement tournée vers le tourisme. Un secteur
d’activité qui favorise les privatisations à outrance et le profit
rapide au détriment de la population locale, condamnée au chômage ou aux
emplois précaires dans le secteur touristique.
Juste avant la désintégration de la Yougoslavie, la ville de Zadar
était un pôle industriel très développé qui réalisait la plus grande
accumulation de capitaux de toute la république croate. Pour donner un
exemple, à cette époque, 25% du total des recettes en devises de
l’économie croate était créé par deux entreprises de Zadar, la SAS
(outils et machines spécialisées) et la compagnie maritime Tankerska
Plovidba. Ces deux entreprises ne représentaient qu’une partie de la
diversité industrielle de la ville qui était bien plus large : le
transport maritime de pêche, la transformation du poisson, le traitement
des métaux, les industries textile, agroalimentaire, du tabac, de
l’électronique ou encore le commerce et le tourisme.
Il va sans dire que cette industrie forte constituait un grand
facteur de développement de la ville, dont le nombre d’habitants a
doublé de 1961 à 1991. Ce développement industriel a bien entendu été
accompagné par des investissements dans l’immobilier, les routes, les
structures maritimes et ferroviaires qui sont aujourd’hui les bases de
l’infrastructure de la ville.
Dès le début de la guerre qui a frappé fort le comté de Zadar, on
commence à remarquer une stagnation de l’économie, en grande partie due
au déplacement de la population civile et au fait que les zones
agricoles fertiles dans l’arrière-pays étaient transformées en champs de
bataille. L’industrie agroalimentaire a été la première à souffrir de
ces changements et elle ne s’en est toujours pas remise aujourd’hui. La
guerre a aussi mis le nationalisme au goût du jour. Zadar était un des
bastions de cette idéologie dont une des caractéristiques principales
était un antisocialisme virulent. Ce qui n’a pas été détruit par la
guerre l’a été par les privatisations et le transfert des biens publics
vers l’Etat, vendus par la suite à des particuliers.
Mort des géants industriels
Le scénario de privatisation de la ville de Zadar n’est pas très
différent de celui du reste de la Croatie : les entreprises ont tout
d’abord été nationalisées (dans ce processus, les travailleurs ont été
privés de toutes leur fonctions autogestionnaires jusque là en vigueur)
et ensuite privatisées, grâce au rachat des parts des petits
actionnaires, c’est à dire des ouvriers qui étaient prêt à vendre tout
ce qu’ils avaient pour une bouchée de pain du fait de la précarité de
leur situation. Les nouveaux acheteurs n’avaient bien entendu pas
l’intention de poursuivre la production, ils ne voulaient que revendre
ces entreprises. C’est de cette façon que tous les « géants » de la
ville ont été détruits.
Aujourd’hui, Zadar est une ville dont l’activité est concentrée sur
les secteurs des services, le commerce, l’immobilier, la pêche,
l’aquaculture, le tourisme et la finance. La part du secteur
manufacturier est tombée en dessous de 10% du PIB de l’ensemble du comté
et elle continue à enregistrer une baisse constante. Avec la crise
globale en 2008, une grande partie de ces branches, comme l’immobilier,
connaît une baisse conséquente et entre dans une période de stagnation,
poussant un grand nombre d’entreprises locales à faire faillite.
Le seul secteur qui enregistre une croissance au cours des dernières
années est le tourisme (de 2001 à 2008, l’investissement a progressé de
près de 1000%), cela ne signifie pas qu’il a encouragé une véritable
croissance de l’emploi, principalement parce que c’est un secteur qui
emploie des travailleurs saisonniers. Toutefois, le tourisme et la
finance sont presque les seules branches qui n’ont pas enregistré de
baisse lors de la crise actuelle.