10 mai 2014

Zadar, de l'usine à l'entreprise de loisir en emplois jetables

Mate Ćosić dans le Courrier des Balkans (ici, en français) nous emmène en Croatie, à Zadar. La ville industrielle s'est transformée en ville touristique avec des emplois précaires et mal payés. Extrait

Fleuron industriel à l’époque yougoslave, la ville de Zadar est désormais entièrement tournée vers le tourisme. Un secteur d’activité qui favorise les privatisations à outrance et le profit rapide au détriment de la population locale, condamnée au chômage ou aux emplois précaires dans le secteur touristique.


Juste avant la désintégration de la Yougoslavie, la ville de Zadar était un pôle industriel très développé qui réalisait la plus grande accumulation de capitaux de toute la république croate. Pour donner un exemple, à cette époque, 25% du total des recettes en devises de l’économie croate était créé par deux entreprises de Zadar, la SAS (outils et machines spécialisées) et la compagnie maritime Tankerska Plovidba. Ces deux entreprises ne représentaient qu’une partie de la diversité industrielle de la ville qui était bien plus large : le transport maritime de pêche, la transformation du poisson, le traitement des métaux, les industries textile, agroalimentaire, du tabac, de l’électronique ou encore le commerce et le tourisme.
Il va sans dire que cette industrie forte constituait un grand facteur de développement de la ville, dont le nombre d’habitants a doublé de 1961 à 1991. Ce développement industriel a bien entendu été accompagné par des investissements dans l’immobilier, les routes, les structures maritimes et ferroviaires qui sont aujourd’hui les bases de l’infrastructure de la ville.
Dès le début de la guerre qui a frappé fort le comté de Zadar, on commence à remarquer une stagnation de l’économie, en grande partie due au déplacement de la population civile et au fait que les zones agricoles fertiles dans l’arrière-pays étaient transformées en champs de bataille. L’industrie agroalimentaire a été la première à souffrir de ces changements et elle ne s’en est toujours pas remise aujourd’hui. La guerre a aussi mis le nationalisme au goût du jour. Zadar était un des bastions de cette idéologie dont une des caractéristiques principales était un antisocialisme virulent. Ce qui n’a pas été détruit par la guerre l’a été par les privatisations et le transfert des biens publics vers l’Etat, vendus par la suite à des particuliers.
Mort des géants industriels
Le scénario de privatisation de la ville de Zadar n’est pas très différent de celui du reste de la Croatie : les entreprises ont tout d’abord été nationalisées (dans ce processus, les travailleurs ont été privés de toutes leur fonctions autogestionnaires jusque là en vigueur) et ensuite privatisées, grâce au rachat des parts des petits actionnaires, c’est à dire des ouvriers qui étaient prêt à vendre tout ce qu’ils avaient pour une bouchée de pain du fait de la précarité de leur situation. Les nouveaux acheteurs n’avaient bien entendu pas l’intention de poursuivre la production, ils ne voulaient que revendre ces entreprises. C’est de cette façon que tous les « géants » de la ville ont été détruits.
Aujourd’hui, Zadar est une ville dont l’activité est concentrée sur les secteurs des services, le commerce, l’immobilier, la pêche, l’aquaculture, le tourisme et la finance. La part du secteur manufacturier est tombée en dessous de 10% du PIB de l’ensemble du comté et elle continue à enregistrer une baisse constante. Avec la crise globale en 2008, une grande partie de ces branches, comme l’immobilier, connaît une baisse conséquente et entre dans une période de stagnation, poussant un grand nombre d’entreprises locales à faire faillite.
Le seul secteur qui enregistre une croissance au cours des dernières années est le tourisme (de 2001 à 2008, l’investissement a progressé de près de 1000%), cela ne signifie pas qu’il a encouragé une véritable croissance de l’emploi, principalement parce que c’est un secteur qui emploie des travailleurs saisonniers. Toutefois, le tourisme et la finance sont presque les seules branches qui n’ont pas enregistré de baisse lors de la crise actuelle.