30 avr. 2014

Les conditions de vie des Cubains - Notes de lecture

Le Monde Diplomatique met en ligne ici (en français) un article de Renaud Lambert sur les conditions de vie des Cubains. Cet article très critique date de 2011. Il dresse un portrait inquiet des dernières réformes gouvernementales dans l'île.

Ces informations doivent être prises avec un peu de recul vu la tentation de parti pris quand il s'agit d'informer sur un régime qui mène une expérience politique très singulière aux portes de la très peu discrète première puissance nucléaire du monde.

  • Résumé

La crise économique que traverse le pays date de 1994. C'est ce qu'ils appellent la période spéciale. Cette crise a provoqué une rupture d'approvisionnement qui a beaucoup inquiété les autorités. Sous la houlette de Raul Castro, elles ont réformé l'économie. 

Elles ont désengagé l'État et encouragé l'essor des petits indépendants. L'État les a imposés au lieu de les rémunérer, ce qui a amélioré ses comptes. 

Les inégalités sont apparues: l'économie s'est dédoublée en économie-peso pour les fonctionnaires, les employés d'État mal payés d'une part et l'économie-dollar pour le secteur touristique d'autre part. Les autorités ont instauré le peso convertible (CUC, en anglais) pour les transactions en dollar, ce qui lui a permis de récupérer, de contrôler les transactions, les importations dans cette monnaie.

L'État envisage de se désengager, de licencier des fonctionnaires massivement et de laisser le secteur privé prendre la relève. Les salaires de la fonction publique et les livrets de rations alimentaires ont perdu en importance. 

L'État parle alors d'efficacité, il valorise les petits entrepreneurs, l'accumulation, etc. Les propriétaires petits-artisans embauchent alors des travailleurs avec la bénédiction du régime. L'employeur mieux payé que ses employés, l'employeur qui accumule et décide de la production au nom de la propriété revient alors sur l'île - et certes pas par la Baie des Cochons.
 

  • Mise en perspective

C'est un virage à la chinoise: l'État omnipotent devient un vecteur de libéralisme, un soutien à l'entreprise vénale. On voit que l'État gestionnaire de l'économie est tenté par le laissez-faire autoritaire - qui génère alors toute sorte de trafics, de fraude et laisse la place à l'économie la plus libérale, la plus sauvage qui soit.

Contre l'emploi, nous ne sommes pas nécessairement contre (ni pour) l'État mais nous voulons libérer l'activité de l'emploi, nous voulons libérer la propriété d'usage de la propriété d'usage de la propriété lucrative. Nous voulons émanciper les producteurs - ce qui passe par le salaire socialisé, par la socialisation de la valeur ajoutée et non par le remplacement d'une élite riche par une élite étatique éclairée qui décidera pour nous ce qui doit être produit, pourquoi et comment, qui gérera nos vies comme des variables d'ajustement.

Pour le moment, en tout cas, ce qui sauve les producteurs cubains et abaisse leur niveau de vie, c'est l'embargo qui, pour une large part, les soustrait à la guerre de tous contre tous, à la concurrence acharnée des producteurs entre eux - mais on peut mettre en concurrence deux usines cubaines, deux régions cubaines, etc.

Par contre, ce que les autorités cubaines ont entrepris avec succès, c'est le développement de jardins urbains (voir ici). Le système agricole mis en place dans l'urgence des pénuries alimentaires des années 90 ébauche un salaire paysan: les parcelles cultivées sont tenues à une certaine production vendue aux magasins d'État (ce qui garantit un revenu aux paysans) et le surplus est vendu à bas-coûts sur les marchés locaux au profit des paysans.

La gratuité (soins de santé gratuits, éducation gratuite, transports et culture extraordinairement bon marchés, etc.) garantie par le gouvernement est elle aussi mise en cause même si pour les secteurs 'historique' de l'éducation et de la santé, il ne semble pas qu'il y ait de menace immédiate. Cette gratuité permet de diminuer l'aiguillon de la nécessité, elle est favorable aux producteurs dans leur rapport de force contre les propriétaires lucratifs.

La libération de l'emploi ne se fait en tout cas pas nécessairement par le truchement de l'État puisque, dans sa nature, il s'apparente à une structure propre à garantir les bonnes affaires, propre à sécuriser les marchés, la propriété lucrative, etc.