4 janv. 2014

Les ouvriers de la construction montréalais parlent sécurité-emploi

Le syndicat industriel des travailleurs et des travailleuses de Montréal publie un excellent texte sur les conditions de travail, sur le problème de la sécurité dans la construction (ici, en français avec quelques truculentes tournures de la Belle Province).

Le syndicat rappelle que la sécurité augmente les frais:

La sécurité ça coûte des sous. Les couvreurs doivent être payés pour le temps qu’ils installent, et enfilent  leur équipement de sécurité comme pour le temps qu’ils posent du bardeaux ou bien étendent du goudron. Les harnais, les mousquetons, les cordes, les casques et les lunettes coûtent de l’argent. Ce qui signifie qu’il y a toujours de la pression pour freiner les mesures de sécurité afin que la compagnie fasse plus d’argent. Cela mène directement à plus d’accidents, à plus de morts. Des couvreurs tombent et perdent la vie parce que leur patron était trop cheap pour acheter des harnais sécuritaires. Des parties d’un édifices s’écroulent et tuent les travailleurs-euses à l’intérieur parce que le boss réduisait les côuts et utilisait des matériaux cheap.
 Les contrôles de sécurité ne suffisent pas, ils sont évités par le recours à la sous-traitance.

Et la loi c’est une chose, mais la réalité en est autre. Les petits entrepreneurs qui travaillent dans le résidentiel voient rarement les  inspecteurs de la CSST [inspection du travail].  Ils ont tendance à avoir des pratiques beaucoup moins sécuritaires qu’il faudrait.  D’un autre côté certains gros entrepreneurs ont parfois des ententes avec les inspecteurs et ces derniers donnent des passe-droits  alors qu’ils n’ont même pas  mis le pied dans une bâtisse. Ils préfèrent, jaser ou bien aller prendre un café que de passer une heure à vérifier attentivement si tout est conforme. Les règles de santé et  sécurité sont généralement appliqué avec rigueur seulement lorsque des plaintes sont formulées ou bien que des accidents grave ont lieu.  Les lois, à elles seule, ne pourront nous débarrasser de la pression qu’exercent les compagnies pour réduire les mesures de sécurité.
Un entrepreneur général qui construit un gratte-ciel exigera par exemple que tous les travailleurs-euses sur le chantier assistent à une pause santé et sécurité une fois par semaine. Il va fixer des règles strictes de sécurité, donner (ou vendre)  des lunettes de sécurité à tous ceux qui en ont besoin et dire à tous qu’ils doivent signaler toute violation de sécurité qu’ils pourraient voir . Immédiatement après, il s’en va appeler ses sous-traitants, par exemple le boss de la compagnie qui s’occupe de la structure d’acier. Il va lui dire qu’il a besoin de se dépêcher, sinon la structure  de l’édifice ne sera pas livrée  à temps. Ce patron vient faire un tour sur ​​le chantier le lendemain et dit au contremaître qu’il ne fait pas sa job, qu’il doit pousser les gars plus fort.
 Concrètement, les ouvriers doivent passer outre les règles de sécurité sous la pression.

Le contremaître, à son tour, annonce aux monteurs qu’il y aura des heures supplémentaires chaque jour pendant une semaine et décide qu’on peut se passer des harnais, parce que ça prend  trop de temps. Résultat : un paquet de monteurs d’acier qui manquent de sommeil  sont rendus à se promener pas attachés sur des poutrelles d’acier six étages dans les airs. Si l’entrepreneur général a tenu des réunions de santé et sécurité régulièrement et posté des règlements stricts autour du chantier, il sera dans une bien meilleure posture s’il vient qu’à être poursuivi par la famille du monteur d’acier qui aura fait une chute mortelle . Quelles que soient les intentions individuelles des investisseurs capitalistes qui  placent leur argent dans la construction de condos, l’impératif  inévitable de réduire les coûts et d’accroître le rythme de travail porte atteinte directement à la sécurité des travailleurs sur le chantier de construction.
Mais ce n’est pas juste les patrons qui enfreignent les règles de sécurité. Lorsque le contremaître nous pousse à travailler plus vite, c’est parfois plus simple de laisser tomber la sécurité, que de travailler réellement plus fort. Par exemple on va s’étirer dangereusement loin par la fenêtre plutôt que de prendre le temps d’enfiler un harnais.  Aussi,  un grand nombre de règles de sécurité nous semblent parfois inutile. On connaît  par expérience, mieux que les gens qui écrivent les lois, comment faire le travail en toute sécurité. On voit souvent les règles de santé et sécurité comme une contrainte plutôt que comme quelque chose d’utile. Et puis on hait ça quand le général nous dit de remettre notre casque pendant qu’on fume une cigarette à côté du shack.

 Les ouvriers sont alors poussés-contraints-forcés à prendre des risques, ce qui tue, estropie, mutile, blesse leurs corps. Les indemnités d'accident deviennent une terre promise dans ces conditions, les ouvriers vont jusqu'à s'estropier volontairement pour gagner un peu de répit.

Cette d’auto-destruction n’est pas vraiment réfléchie, mais elle répond à une certaine logique. La véritable horreur de cette logique peut être vu lorsque des travailleurs-euses se blessent volontairement pour obtenir une indemnisation. Bien que ce soit très rare, le patron soupçonne souvent ce scénario. Des fois on peut être porté à prendre plus de risques au travail parce qu’en quelque part on sait que si on se blesse on pourra toucher une indemnisation relativement décente. Ainsi notre propre activité au travail est si misérable que l’autodestruction peut sembler une alternative intéressante. Plus souvent, cependant, on call malade, et on essaie d’obtenir quelques jours de repos.

Nos blessures et nos accidents soulignent les rapports de classe de manière drastique et exaspérante. Quand un vieil échafaudage rouillé s’effondre et qu’un travailleur meurt, il apparaît clair que la pression de l’entreprise pour réduire les coûts s’est faite au prix de la vie du travailleur. Mais même si l’entreprise à le meilleur échafaudage et les meilleurs équipements de sécurité, une chose reste sûre : C’est pas les casque blancs qui tombent des toits. C’est nous. Même le bon travailleur ne peut y échapper. Il a travaillé dur, tourné un tournevis pendant trente ans, a fait faire beaucoup d’argent à l’entreprise en répétant son geste et n’a jamais eu d’accident majeur de toute sa vie. Puis un matin, il tends le bras vers sa tasse de café et son coude lâche – pour  ne plus jamais fonctionner correctement.

Que nos corps s’usent lentement ou rapidement, que nos patrons sont fondamentalement des bons gars qui essaient d’être safe ou qu’ils soient des chaudrons cupides qui se câlissent des travailleurs, le fait demeure qu’en bout de ligne c’est nous qui se retrouvent avec les blessures et les problèmes de santé et puis que c’est eux autre qui finissent avec le profit.
 Tout le problème est là.