11 déc. 2013

Notes de lecture sur les Mapuche au Chili

Références:

La transition à la démocratie chilienne à l’épreuve des Mapuche : le «néolibéralisme multiculturel » et ses résistances, Michael Barbut Doctorant en Sciences Politiques, Université Paris 1, CESS, disponible ici.

  • Résumé

Les 3000 communautés Mapuche apparaissent souvent non comme des réprimés mais comme des résistants du fait d'une vision du monde imperméable aux logiques néo-libérales.

L'intériorisation du complexe d'infériorité, de la soi-disant supériorité du modèle de développement libéral a marqué le pas par rapport aux nécessités actuelles de lutte, et d'une organisation communautaire.

1. Contexte

Avant le néo-libéralisme, la colonisation depuis le XIXe siècle avait réduit les terres mapuche au profit de grands propriétaires terriens. Tout au long du XXe, la figure du Mapuche a été entachée de stigmates. Il fallait la 'civiliser'. L'éducation a notamment contribué à faire intérioriser la pseudo infériorité mapuche aux élèves intéressés, à faire en sorte qu'ils se haïssent.

Il y eut alors

Le projet politique de l’Unité Populaire pour les Mapuche, consistant à redistribuer les terres et à fournir une aide technique et financière pour produire ces terres, identifiaient des causes non raciales mais plutôt économiques et sociales, notamment le minifundio, comme causes du malheur mapuche.
Mais l'atomisation du monde mapuche modèle des rêves d'autonomisation en petites propriétés familiales. Les communautés sont en quelque sorte prêtes à accueillir le néo-libéralisme.

Le coup d'État pousse des politiques moralistes de réhabilitation des grands propriétaires terriens. Le climat tourne à la violence.

Les généraux tournent la neuvième région, celle des Mapuche vers la monoculture forestière (pin et eucalyptus) pour l'exportation.

À ce moment-là, les centaines de milliers d'hectare en tenure collective constituent un frein à ces projets. Le décret-loi 2568 de 1979 entend y mettre un terme en donnant accès à un titre de propriété individuelle aux paysans mapuche.

L'opposition de l'Église et d'une organisation culturelle permettra de retarder la privatisation de la terre de vingt ans mais une partie des Mapuche voit cette réforme d'un bon oeil. Il s'agit soi-disant de 'valoriser des terres improductives'.

2. Situation

Les gouvernements considèrent que l'extraction des Mapuche de la pauvreté passe par leur insertion sur le marché. À la fin des années 90, les superficies consacrées à l'eucalyptus pour l'exportation passe de 25% à 40% des terres. La politique incrimine alors les faibles rendements des techniques traditionnelles mapuche sans jamais remettre en question la distribution foncière.

Les Mapuche sont invités à se transformer en entrepreneurs touristiques, à valoriser leur culture, leur gastronomie, leurs vêtements comme des produits à valeur ajoutée.

La faiblesse de la réaction politique sur place s'explique par la destruction de la personnalité mapuche par le principe de performance économique mis en œuvre auparavant.

"Quiero ser otro": les paysans mapuche sont dominés matériellement et symboliquement. Ils posent par exemple les problèmes en terme de développement à l'instar de ceux qui les asservissent.

La parcellisation, l'atomisation de la communauté sera soutenue par ceux qui souhaitent 's'intégrer', 'devenir autre' que les Mapuche qu'ils sont. Il y a une soif de réussir, de briller, de faire carrière dans une société moderne - malgré le fait qu'on est Mapuche.

Les autorités ont recours à des caciques qui transmettent les fonds pour le 'développement' ce qui entretient des pratiques clientélistes, une logique de dépendance et de 'développement'.

L'échec (à quelques exceptions près) de la transformation des Mapuche en entrepreneurs agricoles ou touristiques tient moins de leur bonne volonté que de leur manque de moyens économiques pour y parvenir.

3. Essais de réappropriation

Les mouvements de réappropriations des terres volées des Mapuche sont nés dans les années 80 et se sont diffusés dans les années 90 rencontre un écho dans les consciences les moins engagées mais l'évangélisme fait son lit du fatalisme, du désengagement face à l'injustice.

La politisation mapuche se construit autour des processus de mobilisation contre le néo-libéralisme qui refont communauté:

- il s'agit de reconstruire un collectif pour passer à l'action

- il s'agit de creuser les limites de la loi indigène, des politiques publiques indigènes, d'en explorer les failles

- les jeunes sans titre de propriété sont beaucoup plus indépendants des institutions, ils ont comme alternative les sales boulots de la ville ou la communauté avec une agriculture en crise soumise à l'appauvrissement des sols du fait de la monoculture

- les entreprises d'occupation de terre mettent l'accent sur la mémoire communautaire

- l'organisation collective reconstruit les bases matérielles de son autonomie

- la division sociale des Mapuche, la divergence de leurs intérêt rend la construction d'un projet politique commun difficile.