Qu'est-ce que l'enclosure?
Au moyen-âge, il y avait des terres communales, des moulins communaux,
des fours communaux. Cela n'avait rien à voir avec une quelconque
municipalité, avec de quelconques élections dans lesquelles la griserie
du pouvoir émousse les amitiés les plus fidèles, non. Il s'agit de
propriétés, de biens communs, utilisables par tous.
À
l'aube de la révolution industrielle, ces biens communs ont été
privatisés à tour de bras. Ceci a eu comme conséquence que les gens
devaient louer leur bras pour avoir accès aux fruits de la terre au lieu
de travailler eux-mêmes une terre commune pour se nourrir.
L'Angleterre
s'est tournée vers l'élevage à ce moment-là: le bétail est un capital
qui se transporte mieux, s'exporte mieux et se conserve mieux que les
légumes que faisaient pousser auparavant les peasants. Ce phénomène est connu sous le nom d'enclosure (voir Polanyi, La Grande Transformation).
En Angleterre, les paysans sans terre ont eu droit à une allocation misérable de survie (la Speenhamland),
allocation payée par les impôts des classes moyennes - qui ont commencé
à s'appauvrir - et distribuée par les paroisses. Les misérables après
avoir été privés de leur terre devaient se contenter d'une allocation
chiche alors qu'ils avaient été des paysans fiers et dignes. Les
manufactures naissantes pouvaient embaucher les misérables moins chers
puisqu'ils avaient déjà de quoi survivre. C'est ainsi que les classes
moyennes ont dû payer les salaires que l'industrie anglaise ne
souhaitait pas payer - ce qui a rendu ladite industrie la plus
concurrentielle du monde à l'époque, comme vous devez vous imaginer.
Le
jour où l'industrie eut besoin de davantage de bras, que croyez-vous
qu'il arrivât? Mais oui, les paroisses ont coupé les robinets et les
misérables se sont précipités à l'usine pour vendre leurs bras à prix
cassé.
Et c'est là qu'en sont nos camarades indonésiens (Basta - en français):
dépossédés de leurs terres (enclosure), forcés, du coup, à vendre leur
force de travail pour les voleurs de terre que sont des multinationales
agroalimentaires.
Ils s'organisent néanmoins et ont un
avantage tactique sur nos ancêtres: l'huile de palme nécessite beaucoup
de soin, les plants doivent commencer à être remplacés, ce qui place les
producteurs en situation de force: le travail
est nécessaire. Espérons que les luttes là-bas paient, que le droit
puisse prévaloir sur le vol de l'enclosure, que l'emploi ne deviennent
pas l'horizon, la perspective ultime pour ces gens, espérons que
vainquent le droit, la liberté et la justice, que les communautés
retrouvent leur âme, leur terre, leur rythme, leur forme de vie.

