Je vous propose une petite exégèse minute de la campagne de François Hollande à l'élection présidentielle en 2012.
La
mise en scène est tribunitienne mais, selon toute vraisemblance, elle
n'est pas le fait du communicateur qui se trouve pris dans un sens qu'il
n'a pas produit. Par contre, il accepte le dispositif comme neutre.
Il
parle d'une victoire à deux reprises: quand il parle de la situation
des Fralib, ces ouvriers en lutte pour garder leur emploi, leur
entreprise menacée par un repreneur et quand il parle de l'éjection du
président sortant. Des deux victoires, une seule allait s'incarner mais
je vais analyser le discours autour de l'autre victoire, celle des
travailleurs en lutte.
Cette
victoire est une solution. L'emploi et la reprise du site associés à
cette victoire sont donc une solution. Une planche de salut, un paradis,
un souhaitable, une chose à faire.
Pour
arriver au salut, il faut se réunir, discuter et voir, consulter les
puissances tutélaires. Ces puissances qu'il faut ménager, avec qui il
faut trouver une 'solution', ces puissances détentrice d'un pouvoir
indiscuté sont les collectivités locales, l'état et, surtout, les
actionnaires, les propriétaires lucratifs du groupe Unilever, racheteur
et liquidateur de l'entreprise en question.
C'est
dire que le salut doit être obtenu en demandant une concertation aux
puissances occultes qui ont le pouvoir. Cette obtention n'est pas liée à
une lutte quelconque ou à même à une action quelconque mais à une grâce
venue de la bonne volonté des interlocuteurs (parmi lesquels ne
figurent pas les travailleurs, les intéressés qui se battent).
Donc,
le salut ne vient pas du combat mais d'une concertation entre
puissances, d'une réunion sans producteurs. Le discours est adressé aux
producteurs. Il leur est donc dit qu'ils doivent attendre un salut d'une
concertation dont ils sont exclus, sur laquelle ils n'ont pas prise.
Le
paradis futur, le salut, le bonheur éventuel dépend donc de puissances
extérieures, l'acte n'a pas prise sur ce bonheur éventuel - bonheur dont
la réalisation est incertaine, dont la réalisation dépend du bon
vouloir des puissances étrangères.
Autrement
dit, ne construisez pas votre futur, vous avez fait votre proposition,
les puissances responsables vont peut-être vous délivrer le salut.
L'impuissance
et l'inaction comme voix de salut. Il s'agit d'une injonction
paradoxale à l'espoir sans action, à la lutte dans l'attente. Ce type
d'injonction est profondément anxiogène - au niveau médical, nous
recommandons aux producteurs de ne pas s'y inscrire pour prévenir une
évolution dépressive.
vidéo à: Vidéo Hollande ou l'an absolument 0
Transcription de la vidéo:
Rien n'est fait, rien n'est acquis. Et si la victoire vient je serai aussi à vos côtés demain président de la république française pour que votre site vive et que votre solution puisse être regardée avec le groupe unilever. Je demande qu'une table ronde puisse enfin se tenir entre toutes les parties prenantes pour l'avenir de Fralib et (?) cette table ronde doit réunir bien sûr le groupe unilever, les représentants de l'état, les représentants des collectivités locales, pour qu'il puisse y avoir une suite au projet que vous avez vous-mêmes présenté.