23 déc. 2014

Les chiffres espagnols

Diagonal reprend les données de l'agence Tributaria, de l'agence officielle, pour évaluer la "croissance", la "reprise" dont se targue le gouvernement dans un pays où l'immense majorité des gens voit la pauvreté et la précarité augmenter. Nous rappelons que l'Espagne est victime d'une politique dite d'austérité, d'une politique de contraction de la "dépense" (des prestations) publique, de réduction des allocations (des prestations) sociales et d'aides au secteur bancaire sans contre-partie.

Cette politique monétariste (tout pour la monnaie, rien pour l'activité économique; tout pour les dividendes, rien pour les salaires) a exactement le même effet que dans tous les autres pays où elle a été essayée: le PIB s'effondre avec les salaires, la demande anémiée contracte la machine économique et, alors qu'une minorité voit ses intérêts défendus, la majorité s'enfonce dans la misère et le chômage. Au final, ce sont les infrastructures de l'État qui disparaissent, les prestations de santé et la création économique salariale socialisée, les formes de vie hors emploi.

Extrait et traduction de l'article du collectif Ioé (ici, en espagnol)
La rente du capital s'accapare un pourcentage toujours plus important des revenus nationaux selon les données de l'agence Tributaria. 

Le salaire médian est au plus bas depuis 22 ans. Il avait atteint son pic en 1993 et dépassait alors de 14% sa valeur actuelle en euros constants. 

[Note: le salaire médian est le salaire de celui qui compte autant de gens qui gagnent plus que lui que de gens qui gagnent moins]


Fig. 1 - Salaire médian annuel en Espagne
On voit sur le graphique que ce salaire médian a baissé de 11% depuis 2009. Le nombre de salariés est passé de 19,3 millions en 2007 à 16,7 millions en 2013 - c'est-à-dire que le nombre de salariés a baissé de 13,5% lors de la crise actuelle - mais la masse salariale a diminué beaucoup plus (-19,6%) ce qui a fait tomber le salaire médian.

Si les salaires baissent, ce n'est pas le cas des rémunérations des propriétaires lucratifs. Les salaires suivent les cycles économiques alors que les revenus actionnariaux sont contra-cycliques. De 1994 à 2013, alors que le PIB global augmentait de 45% en Espagne, la valorisation du capital en action augmentait de ... 371% [Note: la valorisation boursière était presque multipliée par 5] et les salaires diminuaient de 8%. De ce fait, la part des salaires dans le PIB a diminué, ce qui a augmenté les inégalités sociales.

[Le PIB est l'ensemble de la valeur ajoutée produite par les salariés en emploi et hors emploi ou accaparée par les propriétaires lucratifs à l'échelle d'un pays]


Fig. 2 - Évolution du salaire médian par rapport au PIB
Ce phénomène est encore accentué par le fait que les vieux travailleurs, mieux payés, devenaient plus nombreux alors que les jeunes travailleurs, moins payés, se faisaient plus rares sur cette période. La baisse salariale a surtout touché les secteurs les plus précaires. 

La figure trois montre l'évolution salariale par tranche d'âge.


Fig. 3 - Évolution salariale par tranche d'âge
La pire inégalité de la série statistique depuis 1992 s'enregistre en 2013.



Fig. 4 - Inégalités salariales en Espagne (rapport des déciles)

La figure 4 montre que, alors que la polarisation salariale a toujours été importante en Espagne sur la période considérée, le maximum d'inégalité entre le premier décile, le plus riche, et le dernier, le plus pauvre, a été atteint dernièrement. La détérioration salariale se fait surtout par la précarisation de l'emploi mais elle touche aussi l'emploi à durée indéterminée à cause de la pression combinée du chômage et des réformes des lois sociales qui ont affaibli les capacités de négociation et de défense des producteurs en emploi. Les gains du capital se consolident alors que les salaires plongent.

Les bénéfices des entreprises ont augmenté de 2,4% du PIB depuis 2010 alors que les salaires perdaient 3,4% du PIB (figure 5).

Fig. 5 - Évolution des parts salariales et des bénéfices du capital dans le PIB

Alors que ces quatre dernières années la valorisation boursière augmentait de 3,6%, le volume de la masse salariale diminuait de 16,4% en euros constants. Alors que les salaires plongeaient, les actionnaires réalisaient une plus-value de 418 milliards €. Le discours gouvernemental inspiré de l'idéologie du trickle down, du ruissellement, affirme que les riches l'enrichissement des plus riches va enrichir tout le monde mais la politique gouvernementale fait exactement l'inverse: elle appauvrit les plus pauvres pour augmenter les bénéfices de cette classe des riches parasites qui vit à ses crochets.