Nous apprenons que les pêcheurs sénégalais vont être privés de leurs ressources halieutiques. Un accord de pêche prévoit de réserver une importante partie du poisson aux pêcheurs industriels européens. Précisons que ces navires de pêche européen industriels mettent au chômage les petits pêcheurs sur le vieux continent en pratiquant un dumping des prix (à ce sujet voir l'article ici).
Extrait de l'article de Matthieu Millecamps sur le site de RFI (ici, en français)
Les navires européens, interdits de pêche au Sénégal depuis 2006, seront bientôt de retour. A partir de 2015, près de 40 bateaux pourront capturer 14 000 tonnes de thonidés par an en échange de compensations financières. Une perspective qui inquiète les pêcheurs artisanaux, tandis que Greenpeace vient de lancer une campagne pour lutter contre les « bateaux monstres ».
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A Dakar, le port de pêche artisanal de Soumbedioune compte 270 pirogues en activités, qui font vivre plus d'un millier de personnes. RFI/Matthieu Millecamps
Arborant ostensiblement un T-shirt Greenpeace, Issa Fall se fait le porte-parole des pêcheurs artisanaux inquiets, de Soumbedioune et d'ailleurs, en des termes précis : « Toutes les ressources halieutiques d'Afrique de l'Ouest sont dans le rouge. Tout le monde le sait. Et pourtant, on continue de donner des droits de pêche à des navires gigantesques qui vont surconsommer la ressource et détruire les fonds, abimer l'habitat marin. Finalement, c'est nous, ici, qui n'aurons plus rien quand ils auront tout vidé. »
Depuis 2006, les bateaux européens ne pouvaient plus pêcher au large du Sénégal. L'accord, entré en vigueur depuis 1998 et reconduit en 2002, concernait alors 78 navires thoniers et 27 ciblant les espèces démersales (qui vivent en eaux profondes). Avec l'accord signé le 20 novembre 2014 à Bruxelles, les 38 navires européens concernés pourront pêcher 14 000 tonnes supplémentaires par an à partir de 2015. « Essentiellement des thonidés », promet l'accord. Ces accords « sont très importants pour les pays à forte concentration en pêcheries comme le mien, l'Espagne, mais aussi pour l'ensemble de la pêche européenne », insiste José Blanco, eurodéputé espagnol à la tête de la Commission parlementaire sur la pêche. Pour qu'un accord soit signé, il faut nécessairement qu'il soit « équitable et qu'il y ait un intérêt pour chacun », juge-t-il. En l'occurrence, l'accord avec le Sénégal est « équilibré ».
Le Sénégal a obtenu que les poissons pêchés dans ses eaux territoriales soient obligatoirement débarqués à Dakar. Des compensations financières sont également prévues : 13,9 millions d'euros pour les cinq ans que couvre l'accord. Sur ce total, 5,2 millions seront payés par les armateurs européens. Le reste - 1,7 million d'euros par an pendant cinq ans - comprend un volet d'appui qui doit se répartir « dans les trois priorités définies par le partenaire sénégalais lors de la négociation, à savoir : la surveillance des pêches maritimes et la lutte contre la pêche illicite, la recherche scientifique et la pêche artisanale », précise la Direction générale des Affaires maritimes et de la pêche de la Commission européenne (DG Mare). Parmi les projets concrets, qui sont encore au stade de la formalisation, la DG Mare pointe « l'amélioration des conditions sociales et de sécurité des acteurs, la restauration d'écosystèmes dégradés afin de favoriser le développement des juvéniles et la création de zones de pêche et d'aires marines protégées. »
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Des inquiétudes auxquelles viennent s'ajouter celles de Greenpeace qui a lancé le mois dernier une campagne contre ceux qu'elle qualifie de « bateaux-monstres ». « L'Union européenne est, dans le monde, l'un des principaux responsables de la surpêche », accuse Marie Suzanne Traoré, responsable du dossier à Greenpeace Afrique de l'Ouest. « L'impact de ce type de pêche sur les communautés de pêcheurs artisans du littoral ouest-africain est catastrophique. Ces bateaux-monstres comptent parmi les premiers responsables de l'épuisement des stocks d'espèces pélagique. Il s'agit de ressources stratégiques. Au Sénégal, on a observé une forte baisse du stock de sardinelles, qui sont l'une des seules ressources capables de fournir des protéines animales aux populations démunies ».